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Eddy Paape : La passion de la page d'après, par Alain De Kuyssche, André Paape et Franz Van Cauwenbergh, collection Auteurs Lombard (Le Lombard)

Eddy Paape

La passion de la page d'après

par Alain De Kuyssche, André Paape et Franz Van Cauwenbergh

Le Lombard, collection Auteurs Lombard

« Ce qui m’a toujours passionné dans la vie, comme dans la bande dessinée, c’est la page d’après ! »
Eddy Paape


Riche idée que celle d’une monographie consacrée au talent et à la carrière d’Eddy Paape, infatigable dessinateur qui ne cessa de créer pour les plus grands scénaristes de son époque et dans les pages des plus prestigieux journaux de bande dessinée de la seconde moitié du 20e siècle.

À l’occasion de la sortie de l’intégrale de Luc Orient, les éditions du Lombard (en partenariat avec la toute nouvelle Fondation Eddy Paape) ont eu la bonne idée de demander à Alain De Kuyssche de retracer le riche parcours d’Edouard Paape, né en juillet 1920. Dès 1945, Eddy Paape réalise de nombreuses illustrations pour la presse belge avant que Jijé ne lui propose de reprendre son personnage Jean Valhardi. Sur d’excellents scénarios de Jean-Michel Charlier, Paape met en scène trois épisodes et signe un chef d’œuvre absolu : Le Château maudit. Il n’aura alors de cesse de travailler : il crée en 1951 (essentiellement sur des scénarios de Charlier et d’Octave Joly) les très fameuses Belles Histoires de l’Oncle Paul qui verront toute une génération de dessinateurs faire leurs débuts dans le journal Spirou. Dans l’ombre, avec l’humilité qui le caractérise, Paape assiste Jijé, et prêtera main-forte à son ami Victor Hubinon sur Buck Danny, Tarawa atoll sanglant, Barbe Rouge…

De nouveau avec Charlier, Paape anime en 1953 le détective André Lefort dans Risque-Tout, avant de créer le journaliste globe-trotter Marc Dacier en 1958. 13 passionnants épisodes suivront… Tout en œuvrant à des travaux plus alimentaires dans les pages de Pilote et Record, il rejoint Le Lombard et le Journal de Tintin en 1967 après s'être brouillé avec la maison Dupuis (bien qu'il fut l'un des collaborateurs les plus actifs de Spirou durant les années 1960). Sur des scénarios du génial Greg, il développe durant 18 années les aventures intersidérales de Luc Orient (l’une des toutes premières séries SF de la BD franco-belge), avant de lancer Tommy Blanco (toujours avec Greg), Yorik des Tempêtes (avec André-Paul Duchâteau), Udolfo (avec Duchâteau et un petit jeune promis à bel avenir : Andreas). À la fin des années 1980, Paape met en scène, en collaboration avec Jean-Claude Sohier, Les Jardins de la Peur, un univers imaginé par un certain Jean Dufaux

Les années 1990 sont malheureusement celles des projets sans succès ou interrompus : Carol détective avec Duchâteau, Johnny Congo avec Greg (reprise déguisée du Tiger Joe de Charlier et Hubinon), Les Misérables avec Michel Deligne… Sans oublier les projets de reprises avortées de Luc Orient et de Marc Dacier (avec Patrick Cothias).

Eddy Paape est aussi le tout premier professeur de bande dessinée en Belgique. Poussé par Hergé et Franquin, il accepte la chaire de BD à l’Institut Saint-Luc de 1969 à 1976, puis de 1975 à 1985 à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Gilles. La liste de ses anciens élèves laisse songeur : Plantu, Berthet, Andreas, Wurm, Godi, Desorgher, Vrancken, Beautemps, Foerster, Cossu, Renard, Grenson…

La monographie d’Alain De Kuyssche (dont l’iconographie a été préparée avec talent par André Paape, fils aîné du dessinateur) nous laisse malheureusement sur notre faim. Trop rapide, trop évasif, le texte survole cinquante années de création sans prendre le temps d’approfondir les coulisses de l’œuvre de Paape. Malgré quelques inédits jusqu’ici jamais publiés, l’œuvre d’Eddy Paape n’est pas étudiée ni analysée. L’on regrettera de ne pas mieux pénétrer dans l’intimité d’un créateur de grand talent, trop souvent oublié dans l'histoire de la bande dessinée franco-belge du 20e siècle. Cette monographie a au moins le mérite de combler cette lacune.

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Brieg F. Haslé
27/04/2008