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De sel et de sang, par Frédéric Paronuzzi, Vincent Djinda (Les Arènes BD)

De sel et de sang

Scénario : Frédéric Paronuzzi
Dessins : Vincent Djinda

Les Arènes BD

Pour ne pas oublier…

Fortes chaleurs et labeur n’ont jamais fait bon ménage, et à l’heure où les pouvoirs publics français tentent d’adapter dans la législation les conditions de travail aux conditions climatiques, force est de constater que c’était le cadet des soucis des gouvernements à la fin du XIXe siècle. Pour gagner sa croûte à cette période, il ne fallait pas hésiter déjà à traverser les frontières et accepter des travaux de force. Les conditions de travail déplorables, les jalousies des ethnies entre elles et la chaleur pour exacerber les tensions n’ont pas tardé à déclencher ce qui est encore considéré à l’heure actuelle comme l’un des plus grands massacres d’étrangers que la France ait tristement connu.

Aigues-Mortes, août 1893, ouvriers français et italiens triment dur dans les marais salants à extraire le sel pour un salaire de misère : cadences infernales, pénibilité maximale avec des charges inhumaines à transporter… Engendrant une fatigue qui ne sera même pas atténuée par des nuits réparatrices. Aussi, il suffira qu’un ouvrier français traite un ressortissant transalpin de fainéant pour mettre le feu aux poudres et relancer des querelles racistes.

En s’appuyant sur des faits historiques, le romancier et scénariste Frédéric Paronuzzi met en scène, avec talent, cette tragique histoire en la rendant vivante. Si l’on comprend très rapidement que tous les ingrédients sont réunis et qu’il suffira d’une étincelle pour tout embraser, le lecteur appréciera les dialogues fournis, les descriptions des protagonistes ainsi que les prises de position des représentants de l’État, dont le seul objectif était de ramener la paix sociale sans se soucier des dégâts collatéraux pouvant être engendrés. Sans oublier, bien sûr, les riches propriétaires surfant sur les querelles des ouvriers, voire les entretenant pour leur unique profit, montrant une fois encore que la lutte des classes s’avère un éternel recommencement.

Avec un dessin semi-réaliste de belle facture aux couleurs caractéristiques d’un Midi écrasé par la chaleur, Vincent Djinda traduit bien cette ambiance pesante et survoltée.

On notera la présence d’un cahier historique illustré qui vient compléter le récit d’un bien triste fait divers.

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Bernard Launois
14/09/2022