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La dame blanche, par Quentin Zuttion (Le Lombard)

La dame blanche

Scénario, dessins et couleurs : Quentin Zuttion

Le Lombard

Les vies d'avant...

Infirmière à la maison de retraite Les coquelicots, Estelle jongle entre les soins, les parties de cartes et les morts solitaires. Mais comment faire face aux derniers sommeils et aux rêves inachevés ? En tissant des liens forts et intimes avec ses résidents, la jeune femme pourrait perdre pied et prendre goût à une liberté dangereuse…

Après le multi-récompensé Ne m'oublie pas d'Alix Garin, Le Lombard nous propose une autre approche du temps de fin de vie avec ce roman graphique de Quentin Zuttion. L'histoire se déroule dans un EHPAD et le lecteur est témoin des derniers jours de certains des pensionnaires. Des moments semés d'histoires, de souvenirs ou d'illusions et auxquels Estelle, infirmière, ne peut rester insensible. L'attachement qu'elle éprouve pour ces aînés arrivés en bout de chemin dépasse peu à peu le rôle purement professionnel que l'on exige de la jeune femme et en vient à déborder dans sa vie privée.

Quentin Zuttion signe un récit émouvant et bourré d'humanité. Le contexte qu'il décrit est réaliste, mais il veille, à l'instar de son héroïne, à conserver une distance avec les histoires des différents pensionnaires. Puis, progressivement, alors que le lecteur s'installe dans le récit, cette distance diminue, comme pour Estelle. On se rapproche de cette soignante sensible -peut-être trop au regard de certains- comme elle le fait envers les personnes dont elle s'occupe. On découvre des tranches de leur passé, de leur vie, certaines relations ou ce qu'il en reste, et l'auteur nous amène peu à peu à nous poser les mêmes questions que la jeune femme. Et nous, comment agirions-nous ? Quels seraient nos choix si nous nous trouvions à sa place ?

Au-delà de ce questionnement personnel, intime, La dame blanche interroge plus globalement sur la place des aînés dans notre société, l'humanité et le respect qui leurs sont dûs en fin de vie. Il est d'ailleurs rassurant qu'un média comme la BD, souffrant encore parfois d'un a priori de légèreté, puisse aborder aujourd'hui une telle problématique.

L'auteur le fait avec beaucoup de justesse, sans tomber dans le pathos mais avec émotion, délicatesse et quelques éclats de poésie narrative et graphique. Son approche est actuelle, avec 3, 4 ous 5 cases par planche, et parfois une image en pleine page. Dessin et propos se rejoignent ainsi dans un album qui ne peut laisser indifférent et qui possède bien des atouts pour marquer ce début d'année BD 2022. L'éditeur, en tous cas, y croit puisqu'un autre roman graphique de Quentin Zuttion,Toutes les princesses meurent après minuit , est d'ores et déjà programmé pour une parution en août.

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Pierre Burssens
14/01/2022