Faune, contes grivois et autres diableries

Scénario : Maryse et Jean-François Charles
Dessins et couleurs : Jean-François Charles

Kennes

Comme le son d'une flûte au vent...

Au Moyen Âge, à la nuit tombée, un groupe de pèlerins se réfugie dans une auberge. Rassemblés autour du cantou, ils décident pour tuer le temps de se raconter chacun à son tour une histoire pieuse. La première est contée avec force gestes par un laboureur, sourd et muet de naissance. Mais son récit glisse très vite vers le grivois. Au détour d’une meule de foin, caché derrière un arbre, y apparaît un faune, un être mi-homme, mi-bouc, particulièrement bien membré, séducteur des jeunes paysannes dans la mythologie pastorale. Émoustillés par cette entrée en matière, les conteurs suivants se sentent joyeusement contraints d’utiliser à leur tour ce licencieux personnage.

L'an dernier, à la même époque, on pouvait découvrir une facette différente de l'oeuvre de Jean-François Charles via un fort bel artbook enrichi des textes de Charles-Louis Detournay (Casterman). Cette année, avec Faune, c'est à travers une série de récits coquins, dans l'esprit des Contes de Canterbury de Chaucer ou du Decameron de Boccace que le dessinateur et peintre démontre tout son talent et savoir-faire. En effet, ces Contes grivois et autres diableries, imaginés et mis en images par Jean-François Charles et écrits par son épouse Maryse se détachent en grande partie des contraintes de la BD, planches et cases, pour mieux se déployer sous forme de beau livre illustré destiné à un public doucement averti.

Quelques planches seulement servent en quelque sorte d'avant-propos aux récits qui constituent l'album, et puis ce sont les illustrations qui, mieux qu'un long discours, en disent beaucoup.

Si le mythique faune constitue le personnage central de l'album, que serait-il sans les jolies personnes qu'il séduit et entraîne dans ses passions érotiques ? Ces femmes, elles traversent toute la bibliographie de Maryse et Jean-François Charles depuis Les pionniers du Nouveau Monde jusqu'à China Li. Femmes fortes ou fragiles, elles se révèlent face au Faune sous un jour fort différent.

Les auteurs nous avaient déjà fait découvrir dans leurs séries des climats propices à une forme d'érotisme ou de sensualité, ils vont plus loin cette fois, dans une ambiance gentiment paillarde mais qui ne cède ni à la vulgarité ni à la pornographie.

Les histoires donnent à sourire, s'émouvoir ou -qui sait ?- rougir, mais on reste encore une fois admiratif de la mise en images que leur accorde Jean-François Charles. Souvent plusieurs techniques graphiques se combinent sur une même illustration, alors que d'autres images évoquent des toiles solidement inscrites dans l'histoire de l'Art. Ce riche contenu ne pouvait trouver place que dans un écrin à sa hauteur, ce à quoi ont veillé les éditions Kennes en faisant de cet album un très bel objet avec papier de qualité et dorures sur la couverture. Le genre d'ouvrage que la Sainte Inquisition eût volontiers interdit mais que nous ne pouvons, de notre côté, que recommander aux admirateurs des auteurs...ou aux amateurs d'une parenthèse coquine, adultes évidemment !