Tomahawk

Scénario, dessins et couleurs : Patrick Prugne

Daniel Maghen

La piste du grizzly

En 1756, la France se trouve au coeur d’un conflit majeur qui embrase toute l’Europe et qui l’oppose à la Prusse et à l’Angleterre, son ennemi héréditaire. C’est la guerre de sept ans. Pour les colonies françaises du Nouveau Monde, cette guerre a commencé deux ans plus tôt. Les sujets du roi George portent sans relâche l’escarmouche contre les forts français dressés sur leur frontière de l’Ouest. La bataille de Fort Carillon eut lieu au sud du lac Champlain, entre ce dernier et le lac George.. L’histoire de Tomahawk débute un mois avant cette bataille et s’achève au moment de l’attaque. Nous suivons Jean Malavoy, un milicien, dans un combat contre un gigantesque grizzly...

Après un détour par Vanikoro, Patrick Prugne revient à son évocation de la vie dans les colonies françaises du nouveau monde au XVIIIe S. entamée avec Canoë Bay (scén. Tiburce Oger). Alors que l'auteur aurait pu évoquer la bataille de Fort Carillon au cours de laquelle 3 000 soldats français repoussèrent l'assaut de 15 000 tuniques rouges, Patrick Prugne -tout en situant son récit dans ce contexte historique précis- préfère nous faire partager la vengeance d'un milicien, ancien coureur des bois, à la poursuite d'un impressionnant Grizzly.

On s'enfonce ainsi peu à peu dans la forêt, sur les pas du personnage, alors que l'ours gagne progressivement une dimension quasi mythique. Mais il ne sera pas le seul adversaire de Jean, des soldats écossais accompagnés d'éclaireurs mohawks préparent en effet l'arrivée des troupes anglaises destinées à assiéger Fort Carillon...  Et bien d'autres surprises encore attendent Jean Malavoy au cours de sa chasse motivée, comme on le découvre, par des événements ayant eu lieu des années plus tôt à Montréal.

Le scénario ne s'attarde pas inutilement sur la période historique au cours de laquelle se développe l'intrigue. Un bref avant-propos de l'auteur suffit à nous y plonger. Quelques planches décrivent la vie du fort, en présentent certains personnages et puis la chasse débute et captive rapidement le lecteur. Les péripéties sont nombreuses et Patrick Prugne parvient à atteindre le juste équilibre entre un récit accrocheur et l'envie qu'il donne au lecteur de s'attarder sur ses superbes planches.

En effet, faut-il le rappeler, chaque album de l'auteur tient à la fois de la BD et du beau livre. Prugne travaille à l'aquarelle, limite ses traits, s'octroie parfois de grandes cases, pleines pages ou même doubles pages, et chacune de ses images constitue un véritable tableau, sans perdre en efficacité narrative. Ainsi, dans Tomahawk, la forêt est bien plus qu'un décor et l'auteur nous en fait, au passage, découvrir faune et flore. Ce très bel album (le contraire nous aurait surpris !) est, en outre, complété d'un riche cahier graphique d'une vingtaine de pages. De quoi donner envie de suivre, à notre tour, la piste du grizzly...