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Les naufragés de la Méduse, par Jean-Christophe Deveney et Jean-Sébastien Bordas, Jean-Sébastien Bordas (Casterman)

Les naufragés de la Méduse

Scénario : Jean-Christophe Deveney et Jean-Sébastien Bordas
Dessins et couleurs : Jean-Sébastien Bordas

Casterman

Le tableau d'une époque

1816, les royalistes viennent de chasser du pouvoir les héritiers de la révolution et de l’Empire. Le commandement de La Méduse est confié à un noble qui n’a pas navigué depuis 25 ans. Incompétence, suffisance, indiscipline se conjuguent pour conduire le navire tout neuf à sa perte. Le 2 juillet, la frégate s’échoue sur un haut fond aux larges du Sénégal. Les canots étant en nombre insuffisant, 170 passagers prennent place sur un radeau de fortune abandonné à la dérive. Lorsqu’il est retrouvé deux semaines plus tard, il ne reste plus que 17 survivants !

Si le Radeau de la Méduse tableau monumental (5 x 7 m) de Théodore Géricault constitue un point d'attraction important du musée du Louvre, le grand public connaît peu ses origines, le naufrage, en 1816, d'une frégate française avec ses passagers, militaires et civils, destinés à fonder une colonie au Sénégal. Cette expédition semblait, dès le départ, vouée à l'échec et se produisit dans un contexte politique tendu, l'ensemble aboutissant à une véritable tragédie. Autant d'éléments que l'artiste tenta de restituer dans sa peinture.

L'album de Jean-Christophe Deveney et Jean-Sébastien Bordas retrace à la fois l'histoire du naufrage de La Méduse et celle du tableau. Les auteurs alternent habilement les séquences ayant trait à l'expédition et à sa tragique conclusion et celles se rapportant à la genèse de l'oeuvre. Les souffrances des survivants et les tourments de Géricault pendant la préparation et la réalisation de cette oeuvre majeure sont pratiquement mis en parallèle. Le peintre voulait détenir un maximum d'informations sur son sujet et effectua une véritable enquête, allant jusqu'à rencontrer certains des rares survivants de La Méduse. Ces derniers lui livrèrent des témoignages fort différents de la version officielle. 

Jean-Christophe Deveney et Jean-Sébastien Bordas développent leur récit en un volumineux roman graphique, aussi documenté que passionnant. Les auteurs nous amènent à nous attacher à certains membres de l'équipage et c'est à travers leurs regards que l'on comprend ce qui s'est passé, les concours de circonstances et surtout les erreurs et comportements humains, criminels, qui ont conduit La Méduse à sa perte. Théodore Géricault, de son côté, affronte les difficultés engendrées par la nature et l'ampleur de son projet, les tensions de sa vie privée et les a priori des mouvements artistiques.

Jean-Sébastien Bordas campe de nombreux personnages particulièrement expressifs, allant parfois jusqu'à friser la caricature, mais le tout avec une certaine légèreté.

Le dessinateur n'encombre pas ses planches de détails inutiles. Les protagonistes sont nombreux, l'intrigue est fouillée mais la mise en images aux couleurs aquarellées évite judicieusement toute lourdeur.

L'ensemble aboutit à une intéressante BD historique qui retrace à la fois un événement et ses causes, explore les origines d'une oeuvre et le rapport de l'artiste à celle-ci, dans son époque. Une fort belle illustration de la richesse que peut proposer un roman graphique. A découvrir !

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Pierre Burssens

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Le Recul du fusil - T1: Les Chambres, par Jean-Sébastien Bordas

Pour en savoir plus : Le portfolio de Jean-Sébastien Bordas

02/07/2020