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Monsieur Jules, par Aurélien Ducoudray, Arno Monin (Grand Angle)

Monsieur Jules

Scénario : Aurélien Ducoudray
Dessins et couleurs : Arno Monin

Grand Angle

Fleurs de pavé

Dans le quartier, tout le monde connaît le maussade Monsieur Jules. Pourtant beaucoup ignorent qu’il continue d’exercer son métier, apparu avec le plus vieux métier du monde… Au moment où tous les jours éclosent de nouvelles fleurs de pavés venues d’Afrique ou de l’Est, lui partage sa vie avec Solange et Brigitte, deux vieilles tapineuses. Une nuit, Monsieur Jules découvre le corps inanimé de Tina. Mais en l’aidant, Monsieur Jules attire l’attention des réseaux de prostitution qui ont une tout autre conception du métier de proxo que lui.

Tout s'accélère, et il faut croire que dans le milieu de la prostitution aussi, avec l'arrivée des filles de l'Est ou des Africaines pleines d'illusions d'un avenir meilleur, illusions vite déçues. Et Monsieur Jules, un proxo à l'ancienne, va y être confronté, sans savoir dans quoi il met les pieds en accueillant chez lui Tina, une jeune africaine blessée, en possession de...huit passeports sénégalais.

Avant tout, c'est un fort beau portrait que signent Aurélien Ducoudray et Arnaud Monin avec cet album. En effet, le vieux proxénète bougon a un bon fond, du coeur et un secret qu'il garde jalousement, quitte à s'attirer les foudres de Solange et Brigitte, ses deux employées plus très fraîches mais dotées de solides caractères. Impossible de na pas imaginer, en avançant dans le récit, qu'à une certaine époque Monsieur Jules eût été un rôle en or pour un acteur comme Jean Gabin, par exemple. Jules et son petit monde sont en train de disparaître face à des réseaux autrement plus redoutables et dénués du moindre scrupule.

Aurélien Ducoudray construit son récit sur quelques personnages très typés, l'ambiance s'assombrit progressivement et bascule peu à peu vers le drame. Le scénariste joue avec les émotions de ses personnages et celles du lecteur, glisse quelques scènes cocasses dans son histoire et surtout enlumine l'ensemble de dialogues ciselés. Des dialogues qui disparaissent pratiquement alors que l'action s'accélère, nous projetant avec un contraste brutal vers l'issue de ces 80 pages.

Arno Monin, l'un des premiers dessinateurs a avoir été publié sous le label Grand Angle et qu'on a pu redécouvrir assez récemment avec les deux tomes de L'adoption (scén. Zidrou) choisit de conserver son trait de crayon pour porter cette histoire en images. Il donne corps à des personnages attachants et immerge le lecteur dans de vieux quartiers de Paris éloignés des cartes postales et eux aussi en pleine mutation. Les choix du dessinateur et son usage très maîtrisé de la couleur participent à une forme d'intimité que l'on partage avec Jules, Solange, Brigitte et quelques proches ou...habitués.

La conclusion de ce bel album en paraît d'autant plus amère...


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Pierre Burssens

Du même scénariste :

Camp Poutine - T1/2, par , Anlor  - T1: Olena, par , Christophe Alliel , par , Les chiens de Pripyat - T1: Saint Christophe, par , Christophe Alliel

Du même dessinateur :

L'adoption - T1, par Zidrou, Arno Monin  - T2: La Marque O, par Laurent Galandon, Arno Monin  - T2: Les Autours des palombes, par Laurent Galandon, Arno Monin

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14/10/2019