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Monsieur coucou, par Joseph Safieddine, Kyungeun Park (Le Lombard)

Monsieur coucou

Scénario : Joseph Safieddine
Dessins : Kyungeun Park
Couleurs : Loïc Guyon et Céline Badaroux

Le Lombard

Les racines

Abel est un émigré. Comme tant d'autres, il a dû fuir sa terre natale à cause de la guerre. Exilé en France et devenu Allan, il a fait son nid dans la famille de sa femme et tiré un trait sur ses racines. Mais un jour, alors que sa belle-mère Thésée est mourante et l'implore de solliciter un remède auprès d'un guérisseur, il doit retourner sur cette terre dont il s'est senti rejeté et reprendre contact avec une famille qu'il évitait jusque là. Comment gérer le retour au pays, après des décennies d'absence, quand on a été contraint de renier ses origines pour continuer à vivre ? Entre appartenance et identité brisée, Abel va tenter de se retrouver.

Joseph Safieddine choisit de ne pas faire référence aux problèmes actuels des immigrés dans Monsieur coucou. Abel s'est installé en France et s'épanouit dans une belle-famille à laquelle il s'est solidement attaché. Les attentions qu'il témoigne à Thésée, sa belle-mère en phase terminale d'un cancer en témoignent. C'est pourtant pour elle qu'il va repartir au Liban, contraint d'y revoirr sa famille et de se confronter à son passé. Abel y retrouve ses racines, mais conserve une certaine distance avec une terre qui n'est plus vraiment la sienne.

Joseph Safieddine signe un récit sensible et humain. Le scénariste s'accorde le temps nécessaire à nous faire rencontrer Allan et à nous attacher à lui, avant de l'accompagner, en tant qu'Abel sur la terre de son passé. Séduit par le mode de vie occidental, le regard qu'il porte sur celle-ci est sévère. Il s'est en outre, détaché de la religion...  Et c'est par petites touches délicates que l'auteur nous fait découvrir ce personnage qui semble tellement secret dans une histoire qui sonne d'autant plus juste qu'elle évite tant le pathos que le spectaculaire. Allan, écartelé entre deux cultures, reste un homme ordinaire avec ses forces et ses faiblesses.

Au-delà du saisissant portrait de couverture, Kyungeun Park porte avec succès ce récit en images. Avec une telle histoire, les personnages, fort expressifs, occupent logiquement le premier plan, mais le dessinateur nous offre aussi de très beaux décors à l'occasion du retour d'Allan/Abel sur sa terre natale.

A l'arrivée, on tient là un beau roman graphique d'une centaine de pages qui ouvre le débat sur des notions telles que l'identité culturelle et/ou religieuse et le déracinement plus ou moins bien vécu. Intelligent et émouvant !


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Pierre Burssens

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Pour en savoir plus : Le blog de Kyungeun Park

14/02/2018