Auracan » chroniques » L'Innocente
L'Innocente, par Eric Warnauts, Eric Warnauts et Guy Raives, collection Signé (Le Lombard)

L'Innocente

Scénario : Eric Warnauts
Dessins : Eric Warnauts et Guy Raives
Couleurs : Guy Raives

Le Lombard, collection Signé

La fin des illusions

Allemagne, mars 1945. Nina Reuber, déguisée en garçon, s'évade d'un centre de formation de la future élite du national-socialisme. Réquisitionnée comme traducteur par une division de l'infanterie américaine, elle part pour Berlin. C'est là, sur les ruines du Troisième Reich et à l'aube du procès de Nuremberg, que Nina deviendra une adulte.

Complémentairement aux deux diptyques Après-guerre et Les Temps nouveaux publiés dans la collection Signé, Le Lombard réédité ce one-shot initialement paru chez Casterman en 1991. À près de 25 ans d'intervalle, le style de récit ne dépaysera pas ceux qui ont découvert le travail d'Eric Warnauts et Guy Raives avec ces albums plus récents.

L'Innocente s'ancre en effet sur une solide recherche historique, et le parcours de Nina est intimement lié aux soubresauts de l'Histoire. Les auteurs complètent d'ailleurs cette nouvelle édition par une chronologie historique des années 1945 et 1946 rappelant celles figurant dans les albums précités. Graphiquement, L'Innocente accuse un peu plus son âge, le dessin est encré, et Guy Raives ne possédait pas encore totalement la formidable maîtrise de la couleur dont il fait preuve aujourd'hui. L'album s'avère cependant séduisant, les auteurs multiplient les détails tendant à authentifier et renforcer cette reconstitution soignée, et nous offrent, au passage, de beaux personnages féminins.

Le bémol s'avère plutôt scénaristique. On a parfois l'impression que Guy Raives articule trop, justement, l'itinéraire de Nina sur les jalons historiques, ce qui limite, d'une certaine manière, la vie et l'autonomie de son héroïne. Certains de ses actes revêtent ainsi toute leur importance, mais ses déchirements sentimentaux, par exemple, laissent penser qu'ils sont là pour ménager l'attente du lecteur particulièrement intéressé par cette période de profonds bouleversements politiques et sociaux. À trop vouloir suivre l'Histoire avec un grand H, voilà qui affaiblit parfois l'intrigue et laisse un sentiment de déséquilibre entre l'histoire et l'Histoire !

Partager sur FacebookPartager
Pierre Burssens
05/03/2015