Comment vous êtes-vous connus ?
Johannes Roussel : Roger et moi-même nous nous connaissons depuis toujours... enfin depuis plus de quinze ans. Nous nous sommes rencontrés lors d'un festival de BD à Colmar, ce devait être en 1988. Roger avait monté une association « Objectif Bulles » dont la vocation était de réunir les amateurs de BD en Alsace. Il faut savoir que l'Alsace est très active dans le domaine de la BD notamment par la présence de l'atelier d'illustration de l'école des arts décoratifs de Strasbourg. De fil en aiguille, de nombreux jeunes talents ont rejoint l'association comme Claude Guth (coloriste) et Jean-Marc Mayer (lettreur). Sous l'impulsion de Roger nous avons fait le pari un peu fou de nous lancer dans l'édition. C'est ainsi que sont nés différents projets de BD qui nous ont permis de publier Roger, Claude Guth et moi-même deux albums en 1989 et 1991.
Pourquoi créer en 2004 une nouvelle histoire maritime se déroulant au 19 e siècle ?
Roger Seiter : En dehors de la lecture des « Passagers du Vent » de François Bourgeon dans les années 80, ma première rencontre avec cet univers a été la lecture, à la même époque, des « Mémoires d'un Gentilhomme Corsaire » de E.J Trelawney. Il ne s'agit pas d'un roman, mais des authentiques mémoires d'un aventurier anglais du début du 19 e . Un marin qui commença sa carrière sur les bâtiments de la Navy, avant de devenir pirate dans les mers du Sud et puis « libérateur des peuples opprimés » aux côtés de Byron en participant à la guerre d'indépendance de la Grèce. Après avoir dévoré cet ouvrage, j'en ai cherché d'autres sur le même sujet et j'ai réalisé que le « roman maritime » était un genre littéraire à part entière dans la littérature anglaise. J'ai donc dévoré successivement les ouvrages de Forester, d'Alexandre Kent, de Patrick O'Brian, de David Donachie et de bien d'autres auteurs dont j'ai oublié le nom. Tous ces romans se déroulent entre 1780 et 1820, c'est-à-dire durant une période où l'Angleterre construit son empire tout en étant en guerre contre le monde entier. Elle ne peut compter que sur sa flotte et le courage extraordinaire des hommes qui servent à bord de ses navires. A force de lire des romans parlant de cet univers ( sans doute une bonne cinquantaine), j'ai tout naturellement eu envie de recréer cette ambiance dans une bande dessinée. L'ambiance, mais pas forcément le même type d'histoires. A vrai dire, ce qui m'intéresse dans les romans maritimes, ce ne sont pas tellement les abordages sabre au claire ou les duels d'artillerie. Ce sont plutôt les conditions de vie à bord des vaisseaux ou le destin de ces marins souvent arrachés à leurs familles pour des années de quasi-esclavage en mer. François Bourgeon avait très bien parlé des vaisseaux, William Vance avait abordé le thème des combats navals. Moi, j'avais plutôt envie de parler des hommes. (1)
Comment vous est venue l'idée de cette nouvelle série ? :
Roger Seiter : Comme vous l'avez déjà compris, je suis avant tout un grand lecteur de romans et un amateur de littérature populaire. En plus de quarante ans de lecture, cela représente des milliers de romans d'aventures, de SF, de polars. Avec de plus en plus une préférence pour les histoires mystérieuses et policières. C'est ce que je fais déjà avec « Fog » et plus récemment avec « Dies Irae ». Raconter une histoire policière dans l'univers du roman maritime me semblait à la fois intéressant et innovant. Restait à trouver un dessinateur suffisamment fou pour s'attaquer à un sujet pareil. Ceux qui sont prêts à dessiner des vaisseaux de ligne sur toutes les planches ne sont pas légion, car c'est un énorme boulot. Il en restait un. Il s'appelle Johannes Roussel. Un plus, c'est un ami et un type super sympa. Casterman était intéressé : j'ai donc foncé. (1)
Pouvez-nous dévoiler la trame du premier tome ?
Roger Seiter : Difficile de résumer cette histoire. Comme pour « Fog » et « Dies Irae », il s'agit d'un récit complexe, avec beaucoup de personnages, des rebondissements, des intrigues et des secrets cachés. Il faudra nous faire confiance, se plonger dedans et se laisser transporter.
Combien de tomes avez-vous prévus ?
Roger Seiter : Pour le moment, je travaille dans toutes mes séries par diptyques. C'est un format qui me convient bien. Je dispose de 108 ou 92 pages, sur deux volumes, pour raconter mon histoire. J'écris le scénario des deux tomes dès le départ et ensuite, je m'amuse à distiller les indices aux lecteurs en m'arrangeant pour maintenir le suspense le plus longtemps possible.
Johannes, vous êtes également musicien. Pourquoi développez-vous une bande musicale accompagnant votre nouvelle série ?
Johannes Roussel : Cette idée m'est venue car je lis souvent les BD en écoutant un disque... Je me suis rendu compte que cela me permettait de me détacher sensoriellement du monde qui m'entoure (genre les gamins qui braillent) et de rendre la lecture de la BD plus intense. J'ai constaté que même quelques mois plus tard l'écoute du même disque réveillait en moi le souvenir de l'album et que des scènes de la BD me revenaient en image. Un peu comme lorsque l'on écoute une bande originale d'un film, des images vous reviennent... Cette association de la musique et de la BD n'est pas nouvelle. Cosey proposait à ses lecteurs de lire ses albums en écoutant une sélection de disques dont il donnait les titres au dos de ses albums. Comme par ailleurs il m'arrive d'écrire et de produire de la musique, j'ai trouvé tout naturel de proposer aux lecteurs de « H.M.S. » un fond musical spécialement composé pour accompagner la lecture de l'album. Evidemment, la musique n'est pas, comme au cinéma, synchronisée avec les images. Il s'agit plutôt de construire des ambiances qui collent au mieux avec chaque chapitre de l'album. « H.M.S. » est une BD tout à fait classique, il n'y aura pas de CD qui l'accompagne. Ceux qui voudront écouter la musique pourront la télécharger sur le site officiel de la série en janvier 2005. (1)
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