Entretien avec Julien Hervieux
« Le plus difficile est de vérifier ce qui est vrai ou non avant de se lancer, et accessoirement, de s’assurer que cela fait un bon Petit Théâtre ».
Après le succès des deux premiers tomes, Julien Hervieux (alias l’Odieux Connard) et monsieur le chien reviennent pour un troisième opus consacré aux histoires improbables des deux guerres mondiales. Saviez-vous qu’en 1945, un soldat québécois reprit seul une ville entière aux Allemands ? Que durant la Première Guerre mondiale, une offensive échoua à cause de supposés zombies ? Ou encore qu’une bande de marins américains maladroits a réussi l’exploit de tirer par erreur une torpille sur leur propre président ? Et saviez-vous que le cheval du général Leclerc fut fusillé pour acte de résistance ?
Anecdotes absurdes, héroïques mais toujours incroyables, Le Petit Théâtre des opérations est de retour. Avec sa formule désormais lue et approuvée par des milliers de lecteurs : des histoires longues suivies de textes documentés appuyant leur véracité, ainsi que de courtes anecdotes sur la perte d’un sous-marin causée par ses toilettes, la résistance d’animaux, ou encore l’art contemporain utilisé contre l'ennemi. Et si vous vous posiez la question, oui, tout est vrai ! Conversation avec un Odieux Connard…
Dois-je vous appeler l'Odieux Connard ou Julien Hervieux ?
Pour les besoins du scénario, nous dirons « Julien Hervieux », qui est évidemment un pseudonyme, mon véritable nom étant évidemment M. Connard.
Qu’en est-il de cet étonnant pseudonyme ?
Il date du temps où j’ai ouvert mon blog, en 2009. En ce temps reculé, tout le monde ouvrait des blogs pour y raconter sa vie. Pour ma part, j’avais simplement envie de déverser mon fiel en ligne, aussi je voulais une ligne éditoriale claire : ce serait le blog d’un Odieux Connard, tenu par un Odieux Connard, et donnant son avis d’Odieux Connard. Malgré tout, des gens continuent à me poster en commentaire : « Pourquoi dites-vous du mal de tout ? ». Visiblement, j’ai encore été trop subtil.
Et pourquoi l’avoir abandonné en cours de route… En effet, si le premier opus de votre série Le Petit Théâtre des opérations, paru en mars 2021 aux éditions Fluide Glacial, est signé en couverture L’Odieux Connard, les deux suivants le sont sous votre patronyme ?
Eh bien, tout simplement car comme j’écris parfois des choses historiques plus sérieuses sous le nom de Julien Hervieux, et que certains libraires ont fait remonter qu’il était difficile de défendre le sérieux des histoires dans la bédé avec un pseudonyme pareil... Hop, nous avons harmonisé : désormais, tous mes récits historiques, rigolos ou non, seraient sous le nom de Julien Hervieux. Malgré tout, l’Odieux Connard, lui, apparaît toujours dans la bédé, pour maltraiter monsieur le chien et jouer l’Oncle Paul de service (mais en moins sympa).
Mais, d’ailleurs, Hervieux est-il votre vrai nom ? Histoire ne pas avoir l’air vieux ?... (blague totalement pourrie que j’assume !)
C’est évidemment un pseudonyme, et je n’avais jamais entendu cette blague. Jamais. Du tout. Ooooh, assumez, mais assumez donc aussi mes sourcils froncés dans votre direction, petit rabouin !
Après ce préambule biographique, venons-en à vos étonnants et surprenants récits du Petit Théâtre des opérations dont le 3e tome vient de paraître. Tout a commencé, si je ne me trompe, via un blog…
Tout à fait : le blog était surtout connu pour ses critiques du cinéma et de la société. Et puis, depuis plusieurs années, on me demandait si j’allais passer sur Youtube. Pourquoi pas, mais si c’était pour faire en vidéo ce que je faisais déjà par écrit... je trouvais que cela ne valait guère le coup. J’ai préféré tenter d’en profiter pour lancer un nouveau sujet et une autre de mes passions : l’histoire, narrée de manière rigolote, et sur des sujets rarement abordés, à savoir des anecdotes improbables. Le Petit Théâtre était né.
Puis vous avez récolté et narré plusieurs de ces anecdotes en un livre paru chez Albin Michel en 2018 et désormais épuisé : Le Petit Théâtre des opérations. 1914-1918. Anecdotes, héros et faits d’armes insolites de la Grande Guerre.
En effet ! Oui, je sais, quelle palpitante réponse.
Comment en êtes-vous arrivé à demander à monsieur le chien (volontairement sans majuscules, alias « le chouan », « le chian », « le chou » et j’en passe…) à mettre en images bédessinées vos petites historiettes ?
C’est Fluide Glacial qui est venu chercher votre serviteur. Après avoir visionné Le Petit Théâtre en ligne, ils ont proposé de se rencontrer pour savoir si je serais intéressé par tenter l’aventure en bédé. Le chou et moi nous connaissions déjà, et c’était clairement le (sous)homme de la situation. Aussi quand Fluide m’a proposé de travailler avec lui, j’ai dit oui et... trois tomes plus tard, il est encore là. Blâmez donc Fluide pour tout !
Via les courts récits de votre série Le Petit Théâtre des opérations, les lecteurs découvrent d’incroyables anecdotes authentiques que vous même qualifiez de « faits d’armes impensables mais bien réels ». Comment dégotez-vous ces étonnants faits historiques ?
J’en avais déjà un certain stock, accumulé du temps où j’enseignais l’histoire. Et puis, au fil de lecture historiques et de recherches, j’ai peu à peu étoffé ma collection, et maintenant, des lecteurs proposent eux-mêmes des noms, des sujets... bref, les idées de récits ne manquent pas ! Le plus difficile est finalement de vérifier ce qui est vrai ou non avant de se lancer, et accessoirement, de s’assurer que cela fait un « bon Petit Théâtre ». Car une anecdote peut être épatante, mais ne pas faire un bon récit sous ce format !
Quid du 4e opus du Petit Théâtre des opérations que vous préparez avec monsieur le chien, à paraître à l’automne 2023 ?
On y reparlera guerres mondiales, et à l’heure où vous lisez ces lignes, monsieur le chien est déjà sur les premières planches. Si ce n’est pas le cas, il sera fouetté.
Et pourquoi l’Odieux Connard que vous êtes (je n’aurai jamais imaginé formuler une telle question en plus de 22 ans de journalisme !) maltraitez-vous ainsi votre dessinateur en lui demandant de se représenter petit, malingre, mal coiffé, poilu comme un ours, ou se baladant avec vous sur une plage vêtu d’un string trop petit et franchement ridicule… en ces planches dessinées où votre nom apparaît en énorme et sa propre signature se voyant souvent écrasée par la vôtre ?!
Figurez-vous que c’est lui qui le fait seul ! Ce qui est bien, c’est que notre duo fonctionne très naturellement : lui a créé le personnage du chien, toujours médiocre et méprisé, et moi de l’Odieux Connard, toujours méprisant. Ils étaient faits pour se rencontrer en bédé.
Parallèlement au prochain tome du Petit Théâtre des opérations, vous allez publier en mars 2023 une nouvelle bande dessinée intitulée Toujours prêtes, dessinée par Virginie Augustin. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je peux le faire. Toujours Prêtes se concentrera sur le destin de femmes en guerre. Car lorsqu’on parle femmes et histoires, on parle surtout des militantes, et bien plus rarement de celles qui ont sorti la mitraillette et le fusil et se sont retrouvées sous le feu des canons. Avec Virginie Augustin, nous proposons donc un tome dédié à ces femmes oubliées. Et qui, lorsque l’histoire a frappé à leur porte, ont répondu : toujours prêtes !
Le mot de la fin ?... Avant de vous dire merci M. l’Odieux Connard !
J’aimerais en profiter pour souligner que les vrais auteurs du Petit Théâtre, ce sont les gens qui ont écrit les pages d’histoire que je ne fais qu’humblement rapporter. Alors, pour tout ce qu’ils ont fait : merci à eux !
Propos recueillis par Brieg Haslé-Le Gall le 28 novembre 2022
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© Brieg Haslé-Le Gall / Auracan.com 2022
photo © DR / Fluide Glacial
visuels © Julien Hervieux aka Odieux Connard - monsieur le chien / Fluide Glacial
Remerciements à Valentine Verron