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Entretien avec Javier Sãnchez Casado

"Marie-Madeleine est une vraie Mère courage !"

On avait découvert le dessin de Javier Sãnchez Casado dans Les aventures ahurissantes de Benjamin Blackstone, ou plutôt une forme de son dessin, puisque c'est avec un trait fort différent qu'on le retrouve dans Bons baisers de Machy, premier tome de Un peu de tarte aux épinards, sur un scénario de Philippe Pelaez.  Cette comédie familiale, gentiment teintée de polar, constitue sans aucun doute l'une des bonnes surprises de ce premier trimestre, et on ne peut rester indifférent à Marie-Madeleine, son personnage principal, fort éloigné des clichés qui collent souvent aux héroïnes de BD, et à sa famille de 8 enfants. Tout un petit monde à gérer en images, comme nous l'a confié Javier Sãnchez Casado lors de la Foire du Livre de Bruxelles.

Comment avez-vous été mis en contact avec le scénariste Philippe Pelaez ?

Javier Casado : On se connaît depuis plusieurs années. Nous nous sommes rencontrés au FIBD d’Angoulême via l’éditeur participatif Sandawe chez lequel Philippe a publié plusieurs albums. Je lui ai montré mon travail à ce moment et l’envie de travailler ensemble a été mutuelle. Nous sommes restés en contact, il avait plusieurs idées, plusieurs projets de scénario, on a discuté de ce que j’aime dessiner et finalement il a affiné l’idée de Un peu de tarte aux épinards pour laquelle certains dessinateurs avaient déjà fait des essais, sans résultat concluant. 

Et nous avons continué à communiquer beaucoup pendant la réalisation de ce tome 1, par mail, téléphone ou Messenger. Philippe m’envoie le scénario par séquences, je réalise un story-board que je lui soumets pour validation, et quand c’est ok, je passe directement au dessin des planches. Comme je travaille en numérique, il est encore possible d’y apporter des modifications ultérieures. Ce n’est pas forcément plus facile pour moi, mais c’est parfois plus rapide !

On vous avait découvert, chez Casterman, avec les deux tomes des Aventures ahurissantes de Benjamin Blackstone (scén. François Rivière et Nicolas Perge), avec un style de dessin très différent…

C’est vrai, oui, mais je crois que c’est dû à mon parcours qui, jusque-là, s’est plutôt déroulé dans le domaine de l’illustration. J’essaye, à chaque fois, de trouver le style de dessin qui puisse convenir le mieux à l’histoire. Ca demande, pour chaque projet, des recherches graphiques, pas mal de croquis préparatoires en amont, et un certain temps d’adaptation, mais ça me permet aussi de me renouveler. Je ne me préoccupe pas vraiment de développer ni d’imposer « mon » style de dessin. A la limite, ça m’enfermerait dans quelque chose de trop défini. Je préfère conserver cette forme de polyvalence.

Vous ne vous imaginez pas poursuivre une série au long cours ?

J’espère évidemment que Un peu de tarte aux épinards se prolongera le plus longtemps possible, mais des séries « à l’ancienne » avec 20, 30, 40 albums ou plus…euh…je ne sais pas ! De toutes manières, elles sont de plus en plus rares aujourd’hui. Et puis, Bons baisers de Machy est seulement le premier album, hein…

Philippe et vous mettez en scène une famille nombreuse. Marie-Madeleine, l’héroïne, a 8 enfants ! Comment avez-vous abordé cette grande famille en dessin ?

Au départ, on peut considérer que c’est encore une difficulté supplémentaire alors que réaliser une BD n’est déjà pas simple. Mais peu à peu, j’ai trouvé ça amusant et surtout intéressant. Chacun des enfants possède son caractère, sa personnalité, qui sont susceptibles de prendre davantage d’importance dans les prochains épisodes.

Le scénariste m’ a fourni une description de quelques lignes pour chacun, mais je dois arriver à restituer cela en dessin, à faire transparaître le caractère de chacun des enfants dans son allure, ses volumes, ses attitudes. Et je dois y penser dans chaque dessin, dans chaque case où ils figurent, séparément ou tous ensemble. Mais, d’une certaine manière, en apportant beaucoup de soin à cela dans mon dessin, je contribue à les rendre vivants. Donc il s’agit d’une étape assez exigeante, mais indispensable !

Et Marie-Madeleine, à la fois comique et émouvante…?

Marie-Madeleine, c’est un beau personnage, très riche, en fait…  Elle est un peu bête, mais elle est très fière de sa grande famille, et elle la défend quand les méchants interviennent. Ca me plaisait de traduire cela, ces valeurs familiales…

C’est une vraie Mère courage. Au cours du récit, elle est consciente qu’elle a fait quelque chose de limite mais elle parvient à retrouver un équilibre pour protéger sa famille. Elle peut être forte, parfois intelligente et parfois sexy…un mélange intéressant pour lequel nous avons amené chacun certaines caractéristiques.

Cette grande famille a-t-elle influencé la durée d’élaboration de Bons baisers de Machy ?

Les enfants de Marie-Madeleine, peut-être…  Les miens sûrement, puisque je suis devenu papa pour la deuxième fois, voici 7 mois, et que nous avons aussi une petite fille de 4 ans à la maison !

Il existe un village nommé Machy, en France, dans la Somme. Vous êtes-vous inspiré de celui-ci ?

Nous y avions songé, mais on trouve très très peu de documents à son sujet. Il s’agit d’un tout petit village qui compte à peine 150 habitants, et ça risquait de nous enfermer dans quelques décors seulement. J’ai essayé de définir une image…universelle du lieu où l’histoire se déroule, avec quelque chose de Français, qui puisse facilement être perçu comme tel, mais qui puisse aussi parler à chaque lecteur. L’idée c’est un village à la campagne, ensoleillé, agréable et vivant, avec du soleil, une ambiance qui évoque un peu les vacances, quelque chose de paisible… 

Pour le marché qui s’y installe et où Marie-Madeleine vend ses tartes aux épinards, c’est la même chose. Ca doit évoquer un marché français, mais sans mettre en avant les caractéristiques de telle ou telle région, avec une belle ambiance. N’oublions pas qu’il s’agit avant tout d’une comédie, et que même si l’histoire prend un petit tournant  polar , on reste tout de même nettement plus proches de la BD feel good que du roman noir ! (rires)

En combien de tomes est prévue la série ?

Nous avons prévu 4 albums, mais il faut voir comment ça va fonctionner. Je pense que le démarrage se passe bien, j’ai un assez bon feeling et Casterman effectue un bel effort de promotion, mais on verra… Nous ne sommes pas des auteurs connus,  Philippe a davantage d’albums derrière lui, mais chez un petit éditeur et suivant un système très particulier...

I y aura un tome 2, assuré, sur lequel je suis en train de travailler. Philippe Pelaez a terminé l’écriture du troisième album et entamé celle du quatrième. L’album est bien accueilli par les libraires, nous espérons qu’il en sera de même auprès des lecteurs. On croise les doigts !

Avez-vous testé des recettes de tarte aux épinards pour vous plonger plus encore dans l’histoire ?

Non, mais j’aurais pu, car il y a des épinards dans mon jardin ! Par contre, plusieurs libraires nous ont accueillis en nous en offrant lors de séances de dédicaces. A Angoulême, notre éditeur, comme promo, distribuait des petits paquets de graines d’épinards qui faisaient penser à des petits paquets de drogue. Et Casterman a aussi fait réaliser des badges portant le slogan  Legalize épinards ! . Je ne sais pas s’il s’agit d’un effet Popeye , mais ça donne confiance !

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Pierre Burssens
20/03/2019