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Entretien avec Benoît Du Peloux

"Certains dessinent de jolies femmes, moi j’essaye de dessiner de jolis chevaux."

Le club du Triple Galop s’est doté d’une nouvelle section d’apprentissage : le poney club pour les bambins de 3/4 ans. Monique va enseigner à ses apprentis cavaliers les bases de l’équitation. Contact, respect de l’animal et activités ludiques sont au programme. Du côté des chevaux, cela va changer pas mal de choses : nouvelle organisation, nouveaux élèves, nouvelles galères ! 

Pour son 14e album, Triple Galop, sous forme de gags, nous fait partager de nouvelles tranches de vie (souriantes) du quotidien d'un club hippique. Il y en a des choses à raconter pour Christophe Cazenove (scénario) et à dessiner pour Benoît Du Peloux, qui tient les rênes graphiques de la série depuis ses débuts. Le dessinateur nous parle de ses chevaux de papier, mais pas que...

Comment est né Triple Galop ?

Benoît Du Peloux : Je travaillais pour Cheval pratique et Cheval Junior. Au départ je fournissais l’une ou l’autre illustration pour des articles, et puis, comme ces dessins étaient visiblement appréciés, on m’a demandé de me tourner vers le gag. C’est ainsi que j’en suis venu à Zoé et Pataclop. Quand j’ai eu matière à un album, j’ai proposé l’idée à différents éditeurs. Olivier Sulpice, fondateur de Bamboo, s’est montré intéressé, mais comme son objectif était, à l’époque, de développer des séries humoristiques mettant en scène des groupes, sportifs, métiers etc. il m’a proposé d’élargir le champ et de traiter d’un club hippique et de son ambiance.

Pour bien dessiner les chevaux, je m’étais mis à l’équitation et je connaissais assez bien le fonctionnement et l’ambiance des clubs. J’ai donc entamé le travail en confiance, mais l’éditeur avait besoin d’être rassuré quant au côté gags, et j’ai donc été associé à Michel Rodrigue. Les retours du premier album ont été positifs, et la série en est aujourd’hui à son 14e tome. Depuis le onzième, Christophe Cazenove a succédé à Michel Rodrigue et a amené d’autres idées. Parfois je donne l’impulsion de départ vers tel sujet ou tel domaine de l’équitation, le tout étant de ne pas se répéter.

Est-ce votre métier qui a induit votre intérêt pour les chevaux ?

Non, mon père était agriculteur et j’ai toujours aimé dessiner les animaux, la campagne, la nature. Monter à cheval, c’était un rêve de gamin, mais j’en dessinais bien avant de les monter, et bien avant de faire du dessin mon métier.

Parmi vos confrères, nombreux sont ceux qui disent redouter de dessiner des chevaux. Avez-vous, de votre côté, une méthode particulière pour les représenter ?

Peut-être, mais alors de manière inconsciente…  Je pense que j’en ai dessiné tellement, et depuis tellement longtemps qu’aujourd’hui je suis très à l’aise dans cet exercice. Mais si vous me demandiez de dessiner une grande ville actuelle avec tout ce qu’elle comporte, ce ne serait vraiment pas le cas, et ça m’amuserait beaucoup moins. Non, franchement, je préfère de loin dessiner un cheval en mouvement.

Vous avez déclaré lors d’une interview que quand vous dessiniez un cheval, vous lui rendiez, en quelque sorte, hommage…

J’aime dessiner des choses qui me touchent, et les chevaux me touchent. Quand on a cette sensibilité-là, un cheval en mouvement est tellement beau à voir que l’on essaye forcément de retranscrire cette beauté, cette sensation. Et même dans un univers humoristique, comme celui de Triple Galop, je pense que l’on peut dessiner des chevaux de manière à ce qu’ils soient agréables à regarder. Certains dessinent de jolies femmes, moi j’essaye de dessiner de jolis chevaux. Mais rien ne me fait plus plaisir que de voir une jolie femme sur un joli cheval ! (rires).

Les personnages de Triple Galop sont-ils inspirés de rencontres dans le monde équestre ?

La BD humoristique exige une forme d’exagération, de caricature, mais globalement je pense qu’ils sont assez représentatifs des différents rôles que l’on retrouve dans un club. Monique, la directrice, oui, il s’agit de la directrice du club où je montais avant, j’ai juste changé son prénom. Bébert, le palefrenier, m’a été inspiré par un saisonnier que mon père employait à la ferme. Il arrivait avec sa besace, son litron de rouge, de quoi rouler ses cigarettes…Bébert c’est un peu lui. Quant aux élèves, on en croise beaucoup et finalement certains caractères et comportements se répètent. En observant, on définit assez facilement un personnage qui pourra trouver sa place dans la BD. J’avais ainsi remarqué une fille un peu plus craintive que les autres. Quand son cheval était sur un trot rapide, à fortiori au galop, elle n’était vraiment pas à l’aise et transmettait donc sa peur au cheval…qui accélérait. Cette situation-là, dans la réalité, c’est un cercle vicieux auquel on doit absolument remédier. Mais on l’a abordée avec le sourire dans Triple Galop.

Dans le dernier album, Monique ouvre le poney-club à de tout jeunes cavaliers. Essayez-vous dorénavant de donner une thématique particulière à chaque album ?

On a vraiment tenté de le faire pour l’album qui se déroule dans un ranch aux USA (tome 10), avec l’équitation western. Mais ça s’y prêtait peut-être mieux puisqu’il y avait un grand changement géographique. Autrement, c’est assez compliqué car on fonctionne dans le format gag. Ceci dit, un changement, une innovation est possible dans un club hippique, mais son fonctionnement quotidien doit être assuré. Et là nous pouvons jouer sur les deux tableaux…

N’avez-vous jamais eu envie de faire vivre à vos personnages une longue histoire en 46 planches ?

Pas pour Triple Galop, je ne veux pas prendre mes lecteurs à contre-pied. Roba, à sa grande époque, a tenté ça pour un Boule et Bill et ça ne fonctionnait pas. Je ne dis pas que je n’aborderai pas ce format à un moment, mais alors ce sera dans un univers différent de celui de Triple Galop.

En Belgique comme en France la majorité des licences d’équitation est délivrée à des cavalières. Le remarquez-vous dans votre public ?

Il y a effectivement beaucoup de filles qui apprécient Triple Galop, mais toutes ne font pas du cheval. Et il y a aussi des cavaliers. Je pense qu’ils s’y retrouvent, que ça leur parle et qu’ils ressentent qu’il y a du vécu dans ce que nous leur proposons. Il est d’ailleurs toujours plaisant et intéressant de rencontrer le public. Lors des séances de dédicaces, je suis parfois surpris des personnages que l’on me demande de dessiner. Il ne s’agit pas forcément des premiers rôles mais les lecteurs peuvent s’y attacher pour telle ou telle raison, et à la rigueur ça peut plus ou moins influencer la direction que prendra l’album suivant.

Si vous deviez citer un album qui vous a donné envie de faire ce métier, quel serait-il ?

Sans hésitation, le premier Yakari de Derib. J’étais gosse et je le voulais absolument, cet album ! Mes parents n’avaient pas beaucoup de moyens mais j’ai fini par l’avoir et je suis toujours aussi admiratif qu’à l’époque. Je crois que si l'on me proposait de dessiner un Yakari, ce serait véritablement un rêve qui se réaliserait. Le coup de coeur d'enfance est toujours vivace ! J’adore le dessin de Derib, de plus l'auteur connaît bien les chevaux et les dessine magnifiquement !

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Pierre Burssens
28/11/2018