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Entretien avec Dimitri Armand

"Au fur et à mesure que j'avançais dans le story-board, je me rendais compte que j'allais exploser la pagination !"

Texas Jack est un as du revolver. Mais contrairement à sa légende, il n'a jamais exercé ses talents ailleurs que dans un cirque. Il reçoit un jour un défi : partir à l'Ouest, affronter le sanguinaire Gunsmoke et sa horde de tueurs. La mission est suicidaire, mais impossible de refuser sans perdre sa réputation... 

Après Sykes en 2015, on retrouve  les signatures de Pierre Dubois (scénario) et Dimitri Armand (dessin) sur un nouveau western dans la belle collection Signé du Lombard. Le premier avait constitué une surprise, car on ne s'attendait pas à retrouver le scénariste, chantre du Petit Peuple et de ses légendes, sur les pistes caillouteuses du Far West. Mais le résultat s'était imposé. Aujourd'hui c'est un véritable roman graphique de 125 pages que l'on découvre, conjuguant tous les ingrédients d'un grand western. Dimitri Armand, son dessinateur, a répondu à nos questions.

Votre première collaboration avec le scénariste Pierre Dubois s'est concrétisée en 2015 avec Sykes, comment l'aviez-vous rencontré ?

Au départ, c'est le Lombard qui nous a mis en relation et on s'est tout de suite très bien entendus. Je pense que ça a surpris les gens qui s'attendaient à retrouver Pierre Dubois dans un univers fantastique plutôt sur un western. Comme ça s'était super bien passé avec le premier album, on a remis le couvert pour Texas Jack.

Quelles sont les méthodes de travail établies entre Pierre et vous ?

Avec Pierre, c'est différent des autres scénaristes, car son scénario est écrit comme une nouvelle, sans découpage BD, pas de page 1, case 1... Je me charge donc de cette étape. De plus, le scénario est...manuscrit ! Ca m'a surpris au début mais je trouve cela plutôt charmant. Du coup, j'ai dû apprendre à découper un bouquin car normalement c'est le travail de scénariste. Ça m'a permis d'approfondir cet aspect du travail.

Cela représentait-il un gros challenge ?

Oui, et rétrospectivement,  il y a des choses que je regrette un petit peu au niveau  de la mise en scène. J'aurais aimé après coup, les réaliser différemment mais cela fait partie de l'apprentissage. De plus, Pierre m'a témoigné beaucoup deconfiance.  Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, je lui envoyais des photocopies par courrier, 5 à 6 pages dans un premier temps et il a tout adoré. A chaque fois, il était ravi. J'étais disposé à retoucher si c'était pertinent et à suivre ses remarques mais il a toujours apprécié ma façon de travailler, ce qui m'a offert davantage de liberté. Au départ Texas Jack devait compter 75 pages mais  le manuscrit faisait déjà 90 pages... Au fur et à mesure que j'avançais dans le story-board, je me rendais compte que j'allais exploser la pagination, mais je voulais aussi me rapprocher le plus possible des délais déterminés avec l'éditeur qui ne voulait pas que la sortie soit trop  éloignée de celle de Sykes.

Avez-vous envisagé de faire de Texas Jack  un diptyque ?

Oui, mais le récit est celui d'une quête, la relation entre les personnages se tisse tout au long de celle-ci et couper l'histoire en deux aurait déséquilibré l'ensemble. Il aurait alors fallu réécrire la structure de l'histoire.

Texas Jack évoque, par certains côtés, le Buffalo Bill période grand spectacle, comment avez-vous appréhendé  ce personnage ?

Quand je lisais le scénario de Pierre Dubois, j'avais tout de suite des images qui me venaient et j'ai tout de suite imaginé Texas Jack de cette manière. Oui, c'est une sorte de Buffalo Bill...

Vous caractérisez fortement les personnages, vous les faites évoluer dans de très beaux décors mais avec beaucoup de violence. Et là on s'éloigne vraiment du registre plus poétique de Pierre Dubois...

Je pense qu'il s'est plutôt amusé de ce côté-là et il savait qu'au contraire, j'aime bien dessiner ce genre de scènes.  La violence n'est jamais gratuite parce que même si j'ai tendance à exagérer les impacts de balles ou autres, au final ça met en avance la faiblesse de Texas Jack. Le lecteur s'identifie à lui, qui tire habituellement sur des assiettes et c'est tout. On en vient à le prendre presque en pitié à un certain moment dans l'album.

On ne s'ennuie pas un seul instant au cours des 125 pages de l'album. Quelle a été la recette pour tenir le lecteur en haleine ?

La grosse qualité de Pierre sur cet album réside dans la multiplicité des personnages qui ont tous des dialogues qui vont les présenter avec toutes leurs personnalités. Ce que j'aime beaucoup dans le travail de Pierre Dubois c'est qu'il n'y a pas dialogue gratuit. Tout ce que les personnages vont dire, ça va les installer, les faire exister vraiment dans l'album. Pour ma part je me suis vraiment éclaté en dessinant cette histoire. Mais il m'aurait fallu six mois de plus pour vraiment le faire comme je voulais.

Peut-on imaginer de vous retrouver pour une prochaine collaboration avec Pierre Dubois ?

On aime beaucoup l'idée d'une trilogie. Ce serait intéressant de mettre en scène une rencontre entre Sykes et O'Malley. Et Pierre a de superbes idées qui vont en ce sens. Après Sykes, je m'étais dit que je ne ferais que cet album,mais un jour il m'a juste envoyé la suite et je n'ai pas pu faire autrement que de plonger. Mais il faudra attendre un peu, car je viens d'entamer une nouvelle série au Lombard.

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Bernard Launois
21/11/2018