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Entretien avec Isa Python

Si Marie-Antoinette avait rédigé ses mémoires, peut-être auraient-elles été portées en BD de nos jours… Et on l’imagine fort aisément en découvrant Versailles, le premier volet du diptyque signé Noël Simsolo (Les Miroirs du Crime) et Isa Python. En effet, leurs Mémoires de Marie-Antoinette (Glénat) nous font côtoyer de près un personnage tout simplement…humain, loin des clichés et a priori qui lui sont fréquemment attribués. La dessinatrice Isa Python nous parle de cette approche et de son travail sur cette évocation originale.

Le grand public vous découvre avec ces Mémoires de Marie-Antoinette, quel a été votre parcours jusque-là ? 

Je suis née en Bourgogne en 1961, et mes parents racontent que je savais tenir un crayon avant de parler... Ma foi, s'ils le disent, hein... Du coup, à 15 ans, je suis allée dans une école de dessin à Paris. A ma sortie, 6 ans plus tard, j'ai travaillé assez rapidement en presse et en édition. Fleurus, Bayard, Larousse, Science & vie... Et beaucoup dans le dessin animé également.

Comment en êtes-vous venue à aborder ce projet ?

Un ami, avec qui j'avais travaillé 3 ans sur une série  BD, et qui savait que je faisais beaucoup d'illustrations historiques, m'a conseillé d'appeler l'éditeur, qui avait déjà le scénario de ces mémoires, mais pas de dessinateur. Le contact s’est établi avec le scénariste Noël Simsolo et nous nous sommes tout de suite bien entendus. Nous avions apparemment la même "vision" du personnage et de l'époque. Noël est passionné et sait de quoi il parle. De plus, son script est tellement réaliste que j'ai d'abord cru que les "mémoires" existaient vraiment !

On croit connaître le personnage de Marie-Antoinette, et pourtant vous nous la faites redécouvrir…

J'ai beaucoup apprécié que Noël ne caricature pas Antonia, et qu'il évite soigneusement les clichés pour la resituer comme un être humain: ni Madame Déficit, ni victime ! Mais plutôt une petite fille gâtée envoyée au pire moment là où il ne fallait pas.

L’ampleur et le caractère historique précis de ces Mémoires vous ont-ils confronté à des difficultés particulières ?

Je déteste les armes. Je ne pourrais jamais réaliser une histoire « militaire », comme une évocation du débarquement, par exemple...  J'essaie surtout de faire passer le désespoir, la révolte et la violence par les mouvements de foule et les expressions. Quand il faut dessiner un bâtiment qui n’existe plus, aussi, c’est assez compliqué. Si on n'en trouve aucune trace, il faut néanmoins arriver à créer quelque chose de cohérent avec le style architectural de l’époque !

On mesure aisément l’effort de documentation exigé…

J’ai visité Versailles à deux reprises ainsi que le musée Carnavalet, où les photos sont permises, contrairement à de nombreux autres lieux. Et puis je me suis plongée dans les livres, des tas de livres, encore en pile sur mon bureau, avec des pages qui débordent de post-it ! J'ai également acheté des revues d'art et d'architecture, des catalogues d'exposition. Tout ce qui concerne le siècle des lumières et la révolution est chez moi. Le scénario de Noël indique les dates et nomme les lieux précis, et on sait, en le lisant, où rechercher l'iconographie.

Les couleurs de Scarlett Smulkowski se révèlent parfaitement complémentaires à votre travail…

Glénat a assuré le contact avec Scarlett. Personnellement, je ne la connaissais pas, mais j'appréciais beaucoup son approche sur d’autres albums. Très réactive, elle a tout de suite su magnifier mon dessin, restituer la lumière et la complexité de l'époque sans lourdeur.

Quel est votre programme à venir et peut-on déjà évoquer d’autres projets ?

Honnètement, je suis dans le présent, et dans ce que je fais. Le tome 2 avance, mais m'absorbe complètement ! Pour le tome 1, je serai en festivals à partir de Septembre: Les Sables d'Olonne, Saint Malo, et Versailles en novembre… Je privilégie aussi les salons et festivals de ma région, où j’ai toujours été bien accueillie. Ensuite, après le tome 2, si Glénat veut me proposer autre chose, de préférence historique, ce sera évidemment avec plaisir… J'aimerais beaucoup travailler sur la vie de gens que j'admire: Les compositeurs Monteverdi et Vivaldi, les peintres Rosa Bonheur & Frida Kahlo...

Vous êtes passée de l’auto-édition, ou de petites structures à un éditeur important. Qu’est-ce qui vous touche particulièrement dans ce changement ?

Beaucoup de choses, c’est une chance et je ne peux qu’en être ravie ! Jusqu'à présent, en auto-édition, j'avais du mal à être prise au sérieux (beaucoup de gens pensaient encore que dessiner des BD était un loisir...)  Mais à compte d'éditeur, ça n'est pas la même chose! Lire des chroniques sur mon travail, par exemple, est souvent une heureuse surprise, mais ce qui n'a pas de prix, c'est de voir des gens se déplacer en librairie uniquement pour me voir et me parler. Là, je viens de passer 3 jours enchanteurs, à répondre aux questions de gens passionnés, curieux et toujours sympathiques.

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Pierre Burssens
26/07/2017