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Entretien avec Brice Cossu, Olivier Bocquet et Yoann Guillo

"L'envie de raconter une histoire
que nous aurions aimé qu'on nous raconte..."

Les voyages dans le temps et dans la préhistoire, ou la confrontation avec des survivants de celle-ci ont déjà été largement exploités en BD. La quête d'un enfant, réputé orphelin, à la recherche de ses parents fait presque partie des classiques du scénario... Rien de bien excitant dans tout cela ? Oh, que si, avec la nouvelle série labellisée "aventure humoristique" de Brice Cossu et Olivier Bocquet : FRNCK.

Les auteurs dépoussièrent joyeusement les éléments précités pour nous livrer, avec Le Début du commencement, un premier épisode ultra-dynamique des aventures de ce nouveau héros, entré par la grande porte dans les pages de l'hebdo Spirou. Nous avons rencontré Olivier Bocquet (scénario), Brice Cossu (dessin) et Yoann Guillo (couleurs) quelques jours avant la sortie de leur album.

Comment est né FRNCK ?

Olivier Bocquet : Il est né de plusieurs envies. J'avais besoin de créer un personnage proche de ceux que j'adorais quand j'étais enfant. Un vrai héros, vivant des aventures teintées d'humour et portant tout ça sur ses épaules. Ce type de personnage est, finalement, assez rare dans la BD actuelle, et ça me manquait vraiment. J'avais envie de retrouver un peu de Tintin, Spirou, Lanfeust... et envie de raconter une histoire que j'aurais aimé qu'on me raconte.


Olivier Bocquet vu par...

Brice Cossu

Vous sortez totalement du registre de vos précédents albums, les adaptations des romans de Camilla Lackberg ou Fantomas...

OB : Complètement. Il y a un peu plus d'humour dans Fantomas que dans les Camilla Lackberg, mais ils s'adressent, de toute manière, à un lectorat différent, plus adulte. En tant que lecteur, j'apprécie de nombreux genres, et à un moment ça fait du bien de sortir de son créneau, avec le double objectif de se faire plaisir et de faire, en même temps, plaisir au lecteur. Ici, pour FRNCK, l'objectif est de créer un divertissement de qualité, quelque chose qui puisse laisser une sensation de plaisir, de bonheur.


Brice Cossu vu par Alexis Sentenac

Pour vous aussi, Brice, il s'agit d'un grand changement...

Brice Cossu : Oui, avec des raisons assez proches de celles d'Olivier. Pendant des années j'ai dessiné des histoires fantastiques, dans un style plus réaliste et plus sombre, et à un moment j'ai ressenti un besoin de légèreté, de m'amuser et de faire rire le lecteur. Quand j'ai découvert le projet d'Olivier, ça m'a paru évident : je devais le faire ! J'y ai adhéré tout de suite, et à partir de là il restait à trouver la bonne alchimie dans le travail, ce n'était pas très compliqué.

À la lecture du Début du commencement, on sent que vous vous êtes amusés à le réaliser...

BC : Merci, si nous parvenons à partager cela avec le lecteur, c'est un beau résultat ! Oui, nous nous amusons, et comme nous y mettons des choses auxquelles nous sommes très attachés et que l'on aime vraiment, je crois qu'il y a une forme de spontanéité qui doit s'y retrouver. Parfois, j'ai l'impression qu'Olivier me demande dessiner quelque chose d'assez fou, et puis quand je lui soumets les dessins, j'ai l'impression qu'il pense déjà à quelque chose de plus fou pour la suite... Mais on s'amuse comme ça. L'univers de FRNCK ressemble à un bac à sable dans une cour de récré, et nous sommes deux gamins dans le bac à sable (rires) !


Yoann Guillo vu par Brice Cossu

Yoann Guillo : Pour les couleurs, j'interviens en aval, mais quand je découvre les planches, la sensation qui domine pour moi est que le scénario d'Olivier est clair et évident, et que le dessin de Brice est clair et évident. J'essaye de compléter au mieux cette alchimie plutôt rare.

Est-ce cette dynamique qui vous permet, par exemple, de vous offrir une illustration pleine page ?

BC : Elle y contribue. Nous nous trouvons dans le registre de l'Aventure avec un grand A, avec un petit héros identifiable. On mise sur l'humour et l'aventure, alors pourquoi pas un grand décor assez fou pour que le lecteur puisse rêver et s'y évader ? Plus tard, d'autres choses vont enrichir l'histoire, un peu plus sombres peut-être, et Frnck va évoluer, grandir. On rira encore, mais pas que...

OB : Actuellement, on traverse une sorte d'épidémie d'histoires, bonnes ou mauvaises, qui se déroulent dans des univers magiques, avec des héros qui se découvrent des super pouvoirs, qui sont fées ou magiciens. Je n'avais pas du tout envie de développer quelque chose de ce genre, tout le monde raconte ça. Frnck est un héros normal et n'évolue pas dans un monde magique. Ce qui est magique, c'est ce qu'il connaît et que ses compagnons ignorent : le feu, la parole... Frnck est en avance sur tout le monde, mais, d'un autre côté, pour survivre, il est incapable de se débrouiller seul... et sans son smartphone !

Comment avez-vous construit « votre » préhistoire ?

YG : Par rapport à l'aventure de Frnck, il n'était pas vraiment nécessaire de se raccrocher à une période précise...

BC : Nous avons utilisé de la documentation, mais nous avons surtout effectué des choix en fonction de leur pertinence dans le scénario. Certains éléments existent ou ont existé, pour d'autres j'ai joué l'exagération, avec des plantes et des champignons géants, ce genre de chose. Nous sommes dans une aventure humoristique, quel serait l'intérêt de la dater précisément ?

En début d'album, votre description du « business » de l'orphelinat et des familles d'accueil est pour le moins décapante...

OB : L'histoire démarre à partir de quelque chose de classique, le héros réputé orphelin et qui part à la recherche de ses parents. Il s'agit presque d'un cliché ! Nous voulions donc amener ça avec un ton ironique, décalé et amusant. On met l'aventure en avant, et on évite les violons, le dramatique de la scène...auxquels tout le monde s'attend ! Il existe des sortes de séquences-types, comme cela, qui ont été vues et lues très souvent. Personnellement, je déteste ces clichés, quand on découvre une scène et que l'on sait déjà comment ça va se dérouler... On devait absolument contourner ça !

Comme vous l'avez fait pour le personnage du jardinier ?

OB : Oui, ça aurait pu être un vieux monsieur avec un chapeau de paille. Le nôtre est moins vieux et a une casquette à l'envers (rires). Et puis il s'agit d'un personnage sensible, qui amène quelque chose de plus touchant ou émouvant. En avançant dans l'histoire de Frnck, progressivement, cette dimension va prendre de l'importance.

BC : En développant le récit, nous l'avons parfois comparé à la construction de certains mangas. Il y a du rire, de l'action, mais aussi des passages plus tragiques, et puis on repart dans le rire... Toutes ces séquences se succèdent très rapidement mais amènent finalement beaucoup de nuances à l'histoire.

Quatre albums sont planifiés. S'agit-il de l'histoire complète ou d'un premier cycle ?

OB : Ils constituent une sorte de premier cycle, mais nous n'avançons pas à l'aveuglette et on dispose déjà d'une structure globale pour deux cycles de plus. L'éditeur est enthousiaste et je pense qu'a priori ce serait ok pour le deuxième, mais restons prudents... Par contre, on veille à ce que chaque album ait un pitch relativement simple et puisse être lu indépendamment des autres, même si les lire dans l'ordre apporte logiquement un autre éclairage.

FRNCK a bénéficié d'une prépublication dans Spirou. Une étape importante ?

OB : Bien sûr. Celle-ci a amené beaucoup de lecteurs au festival d'Angoulême, où l'album était présenté en avant-première, tout comme ici (Foire du Livre de Bruxelles, ndlr), et ceux-ci connaissaient FRNCK grâce à cette prépublication. Nous avons donc pu recueillir leurs impressions grâce à cette prépublication. J'y ajouterai un côté sentimental : Spirou était très important pour moi, enfant, et je crois que j'ai conservé cette sensibilité-là. Je pense d'ailleurs qu'en tant qu'auteur, ce qui m'a sans doute le plus ému a été de découvrir FRNCK en couverture du magazine, plus encore que de découvrir les exemplaires de mes romans ou albums précédents.

                                                Propos recueillis par Pierre Burssens le 10 mars 2017
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                                                                  photo © Pierre Burssens

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Pierre Burssens
27/03/2017