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Entretien avec Nicolas Bara

"C'est très beau un arbre, et j'aime beaucoup les dessiner..."

Vous souvenez-vous de l'enchanteur Chant des Malpas, signé Pierre Boisserie et Nicolas Bara publié voici 10 ans dans la belle collection Long Courrier ? On retrouve aujourd'hui, sous le même label, les signatures du duo en couverture du non moins séduisant Concile des arbres. Le fantastique, mâtiné d'humour, est toujours au rendez-vous, entre ambiances inquiétantes et scènes d'actions bondissantes, mis en images de manière très dynamique par Nicolas Bara. Le dessinateur nous en dit plus.

C'est long 10 ans...

C'est vrai, mais entre-temps j'ai beaucoup travaillé dans le domaine des jeux vidéo et de l'illustration. Ensuite, je me suis installé à mon compte, en bossant toujours dans le même secteur, particulièrement dans le character design. J'ai donc mis la BD entre parenthèses pendant un long moment, un peu aussi, je l'avoue, pour raisons économiques. Et puis le projet a traîné pour différentes raisons. L'encrage était terminé voici deux ans et demi, mais comme j'ai travaillé à cet album par a-coups, ça a pris quasi une année pour résoudre des difficultés techniques liés à la colorisation réalisée à l'aquarelle. Problèmes de couleurs, de papier, d'impression... Aujourd'hui, l'album est sorti et je suis content d'avoir réussi à le finir ! (rires)

Vous restez dans un univers fantastique, mais très différent de celui du Chant des Malpas...

Oui, et à une autre époque aussi, car je ne serais pas attiré par une histoire se déroulant dans le contemporain. L'ambiance du XIXe siècle me plaît beaucoup, et, d'une certaine manière, me parle. J'avais adoré Sleepy Hollow de Tim Burton, et je pense que ça a dû m'influencer aussi pour traiter graphiquement Le Concile des arbres. Pierre Boisserie sait ce que j'aime et en a tenu compte pour le scénario, en veillant à l'équilibre entre l'humour et les aspects plus sombres de l'histoire.

On pourrait aussi parler de l'équilibre entre scènes et décors urbains, et images de la nature, dont les arbres qu'évoque le titre de l'album...

C'était un challenge, mais comme je suis attaché à cette période, je me suis plongé dans la documentation pour aborder des architectures du XIXe siècle. Quant à la nature, j'adore la représenter et je voulais qu'elle occupe une place importante dans le récit. Hormis le contexte de cette histoire, je suis assez fasciné par les arbres, même morts, sans leurs feuilles. C'est très beau un arbre, et j'aime beaucoup les dessiner. Un vrai plaisir...

Les arbres évoqués dans le titre sont menaçants. Comment se détache-t-on du gros cliché « Blanche-Neige par Disney » pour leur donner forme ?

En essayant de ne pas y penser ! Je ne me suis pas posé la question, tout simplement, et je crois que ce que je vois dans la nature, des arbres bien réels, a pris le pas sur certaines images qui peuvent s'inscrire dans l'inconscient.

En 10 ans, votre dessin a évolué. On y retrouve une influence de celui de Loisel, mais vous privilégiez aussi l'expressivité de vos personnages. Faut-il y voir l'influence de votre travail dans le character design ?

Ce serait dommage qu'il n'ait pas évolué en 10 ans ! Récemment, je feuilletais Le Chant des Malpas et je trouvais qu'il y avait un peu trop d'erreurs dans mes planches, dont certaines que je n'aborderais plus du tout de la même manière. Loisel, oui, j'adorais et j'adore toujours, et, forcément, ça laisse des traces que j'assume complètement. Quant à l'expressivité, il est vrai que j'utilise beaucoup de gros plans, ce qui accentue peut-être cet aspect des choses. Mais j'aime beaucoup cela, c'est vrai, de même que le découpage et travailler selon des angles de vue peu usités. C'est ce que je préfère !

Vous parliez des difficultés rencontrées avec la couleur. En character design, on imagine que vous travaillez en numérique, conservez-vous les techniques traditionnelles pour vos BD ?

Absolument, papier, crayon, encrage, couleurs... je réalise tout à la main. Je pense que c'est parce que c'est cette BD-là qui m'a fait rêver et que j'adore. Et pour le domaine vidéo, effectivement, tout se fait sur ordi et tablette graphique. Mais je n'y vois pas d'opposition, la base est identique, et seules les techniques changent. Pour moi, ce sont des plaisirs différents. En jeu vidéo, il y a un roulement permanent dans mon travail et beaucoup de variété. Tandis qu'un album représente un projet de plus longue haleine, mais permet de s'immerger dans une histoire. Et la BD reste ma première passion !

Le son est au centre du Chant des Malpas. Dans Le Concile des arbres, le chant des enfants joue un rôle important... S'agit-il d'une coïncidence ?

Pierre Boisserie aime beaucoup la musique et s'y intéresse. Peut-être cela l'a-t-il influencé. C'est au scénariste qu'il faudrait poser cette question...

On évoquait le fantastique, constitue-t-il un ingrédient indispensable pour vous ?

J'aime bien le fantastique quand il apparaît par petites touches, et que toute l'histoire qui l'entoure est solide. Il faut aussi que cet élément s'accorde bien avec l'époque à laquelle se déroule le récit. Celle du Concile des arbres y est propice, on se rattache au fantastique gothique, classique... Par contre l'heroïc-fantasy, même si elle est en vogue, ne m'attire pas du tout.

Vous lisez du fantastique ?

En BD, assez peu, mais de manière générale, je ne suis pas un gros lecteur de BD. Il faut vraiment que le dessin m'interpelle. Et plus globalement, il m'arrive de lire du fantastique, mais j'ai des lectures variées, je ne m'attache pas à un genre en particulier.

Casimir et Artémis, personnages principaux du Concile... pourraient-ils devenir les héros d'une série ?

Difficilement, car la collection dans laquelle l'album est publié privilégie les one-shots. Ce serait tentant, mais nous devrions revoir cela avec l'éditeur...

Devra-t-on attendre dix ans pour découvrir un nouvel album dessiné par Nicolas Bara ?

Je suis incapable de vous répondre aujourd'hui. J'espère que non, j'ai envie de me replonger dans la BD, et même d'aborder le scénario de ce possible prochain bouquin. J'y pense et j'en ai envie, mais d'autre part, je vous ai dit que Le Concile des arbres avait constitué une parenthèse parmi d'autres travaux. J'ai aussi besoin d'un sujet qui me plaise vraiment. J'aimerais pouvoir continuer à tout mener de front, et pour cela trouver un meilleur équilibre entre ces différentes activités. Mais la BD représente toujours ce que j'aime le plus !

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Pierre Burssens
10/05/2016