Auracan » Interviews » Entretien avec Florence Mixhel

Entretien avec Florence Mixhel

 "Groom s’inscrit dans l’esprit Spirou, un esprit  familial, avec la volonté d’aider et d’expliquer"

Groom a fait son apparition en librairies le 8 janvier 2015. Ce nouveau magazine des éditions Dupuis se propose de décrypter l’actualité à travers la BD. Groom vous ouvre les portes de l’info et c’est à une rétrospective de l’année qu’est consacré ce premier numéro. Un numéro copieux, bourré d’infos, à l’image d’une année 2015 fertile en événements, hélas souvent tragiques.

Groom est aussi l’occasion, pour les amateurs de BD, de découvrir d’autres facettes du talent de certains auteurs. La presse est en crise, le lancement d’un nouveau magazine ne s’improvise pas et l’élaboration de Groom a exigé beaucoup d’attention de la part d’une équipe rédactionnelle passionnée et d’auteurs BD enthousiastes. Florence Mixhel, secrétaire de rédaction nous dévoile son « making of… »

Quand on découvre ce premier numéro de Groom, on est frappé par la densité de son contenu et la quantité d’informations qu’il comporte…

C’est vrai, mais il s’agit d’une rétrospective de l’année, et 2015 a été très chargée en infos. Nous nous sommes retrouvés confrontés à énormément de choses, et il a été très difficile de faire un choix, d’autant que souvent, tel fait marquant résulte d’un autre… 2015 a aussi été une année sombre, c’est pourquoi nous avons quand même tenté de glisser dans Groom certaines choses plus légères, plus « jeunes » comme les Groom Awards. Par contre, quand on a constaté la montée du FN en France, alors que, pour nous, le numéro semblait bouclé, on a choisi d’écarter certaines pages  pour laisser la place à ce sujet, traité en BD par Libon. Ca nous semblait important d’expliquer ça aux jeunes qui seront les électeurs de demain.


Edito par Yoann et Vehlmann

Comment est née l’idée de Groom, et comment le magazine s’est-il élaboré ?

L’idée s’est progressivement mise en place après la publication du Spirou hors-série « Je suis Charlie », voici un an. Nous avons reçu de nombreux coups de fil, lettres et mails qui nous disaient combien ce Spirou avait été apprécié par des parents, des enseignants, des éducateurs pour expliquer aux plus jeunes l’attentat de Charlie Hebdo et ses suites. Ils avaient véritablement utilisé ce numéro comme un outil. Nous avons d’abord été assez surpris, puisque l’accès à l’information n’a jamais été aussi aisé qu’aujourd’hui, et puis on a mesuré qu’il existait très peu d’outils ou de médias qui permettaient un réel décryptage de cette actualité, prioritairement pour les jeunes, et même pour un public beaucoup plus large. On s’inscrit donc dans l’esprit Spirou, dans un esprit familial, avec la volonté d’aider et d’expliquer. Et comme l’idée était que Spirou ouvre les portes de l’actualité, nous avons ouvert les portes de Groom à certains auteurs autres que ceux que les lecteurs de Spirou retrouvent régulièrement, notamment plusieurs auteurs largement suivis  par les jeunes sur leurs blogs. Groom ne s’adresse pas uniquement aux lecteurs de Spirou.


Zlatan et moi de Runberg et Homs

Les auteurs ont-ils choisi leurs sujets ?

Nous avons élaboré un chemin de fer, proposé les sujets aux auteurs en fonction de leurs sensibilités respectives, et notre schéma initial a été respecté à 95 %. Les auteurs qui ont refusé de participer à Groom l’ont fait pour cause de planning, d’autres projets, un album à boucler… mais ceux-là ont pris rendez-vous pour le numéro 2 !

Avaient-ils carte blanche dans leur manière de l’aborder ?

Totalement, mais ils savaient dans quel esprit travailler. Et si quelque chose semblait coincer, on relisait, on en discutait. Certains sujets sont très durs, et on voulait éviter de basculer dans une forme de complaisance ou de voyeurisme par rapport à leur violence. C’est notamment pour cette raison que Fabrice Erre, pour la scène de l’attentat de Charlie Hebdo, a proposé une forme de mosaïque de 12 cases, réalisées par 12 dessinateurs différents. Tout y est suggéré plutôt que montré, mais je ne pense pas que ce soit pour autant moins efficace. Les pages réalisées par Javi Rey et Zidrou au sujet de Daesh, notamment, privilégient également cette approche…


Voir la mer par Nob

Comment avez-vous choisi les personnes ressources qui introduisent les principaux thèmes de ce numéro ?

Nous désirions rencontrer des spécialistes en leur domaine, et que ces derniers renforcent, d’une certaine manière, la légitimité de tel ou tel sujet, ou de son traitement dans le magazine. On retrouve donc des journalistes, psychologues, sociologues, politologues… Ils ont également participé à la relecture, et je peux vous assurer que dans certains cas chaque mot a été analysé et pesé…

Vous êtes secrétaire de rédaction de Groom et de Spirou, et on retrouve la rédaction de Spirou, renforcée, chez Groom. Vous avez travaillé aux deux magazines en parallèle ?

C’était une folie, mais un beau défi ! Spirou passe en premier, il s’agit d’un hebdomadaire et on dispose de peu de souplesse quant à ses impératifs de parution. Donc, Groom, on y a consacré des heures supplémentaires, des heures de table, des soirées ou alors on arrivait très très tôt au bureau pour y travailler ! Et aujourd’hui, je vous assure que nous sommes vraiment très contents  et fiers de l’avoir en mains, de pouvoir le feuilleter et vous le présenter !


Cuba-USA par Erre et Feroumont

Damien Perez, le rédacteur en chef de Groom, fait-il lui aussi partie de l’équipe Spirou ?

Oui, il y assure plusieurs rubriques rédactionnelles, BD Boutik, En direct de la rédak’, notamment…

En couverture de ce premier numéro, François Hollande se trouve côte à côte avec Spirou. Avez-vous du veiller à un équilibre entre les racines belges de Dupuis et, plus largement, une sensibilité française du groupe Media Participations ?

Ah non, on n’a pas fonctionné de cette manière. Comme ce premier numéro constitue une rétrospective de l’année écoulée, l’idée d’un défilé rassemblant ses acteurs s’est assez rapidement imposée. Le défilé qui a suivi les attentats de Charlie Hebdo était hautement symbolique, et rappelle aussi ce qui a créé le point de départ du magazine. À partir du moment où Pol Cauuet, qui a réalisé la couverture, mettait en scène des hommes et femmes politiques, il était logique que François Hollande y figure. Mais quand on détaille cette image, elle comporte aussi quelques clins d’œil plus humoristiques.


Maghreb et Moyen Orient, par Christian Durieux

Peut-on imaginer que Groom influence Spirou, ou inversément ?

Je ne pense pas. Il s’agit vraiment de deux magazines différents. Il arrive que Spirou aborde des sujets d’actualité, mais il le fait à sa manière. Ce fut le cas pour les élections en France et en Belgique, pour la sortie de Star Wars récemment, et ce sera encore le cas pour le numéro de cette fin janvier…

Pratiquement, où en est Groom et quelles sont ses perspectives ?

Groom a été imprimé en 50 000 exemplaires et est disponible en kiosques et librairies pendant 2 mois. Il est également disponible - et le restera plus longtemps - via le site spirou.com. À noter que les enseignants peuvent également trouver sur ce site deux dossiers pédagogiques consacrés à la crise des réfugiés. L’un est destiné au primaire, l’autre au secondaire. Les perspectives ? Un numéro 2 à paraître en septembre, sur le thème des réseaux sociaux. Si la périodicité semestrielle est maintenue, l’idée est de consacrer un numéro à la rétrospective de l’année, et un numéro à un thème précis, mais si le succès est au rendez-vous, on peut imaginer que Groom gagne une plus grande fréquence de parution.


Ils sont entrés par Zidrou et Rey

Partager sur FacebookPartager
Pierre Burssens
13/01/2016