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Entretien avec Nob

"Je ne veux pas retomber dans des schémas classiques ou déjà exploités"

Père célibataire au foyer, c'est un boulot à plein temps, et ce n'est pas Dad qui va prétendre le contraire ! Surtout avec quatre filles aux caractères bien trempé, pas vraiment du genre à s'écraser devant leur éternel ado de papa et dont les âges vont de 0 à 20 ans. Ce comédien au chômage a trouvé le rôle de sa vie : celui de s'occuper de sa famille sans rien perdre de sa propre jeunesse. Nob, l'auteur de Mamette, nous offre depuis plus d'un an dans les pages de Spirou les gags de ce drôle de papa. Les redécouvrir réunis dans un premier album intitulé Filles à papa permet d'apprécier pleinement une véritable chronique familiale moderne, drôle, tendre et pleine de fraîcheur. Une nouveauté aux allures printanières dont nous nous entretenons avec Nob.

Quelle est la part autobiographique de Dad ?

Il y en a une, mais elle est assez difficile à définir. L'idée de Dad est partie de gags de L'Atelier Mastodonte, dans lesquels je faisais intervenir les enfants d'un auteur... J'ai trouvé l'idée amusante, mais je ne me voyais pas vraiment la développer à ce moment-là. Quand Frédéric Niffle, le rédacteur en chef, m'a demandé si je n'avais pas une série à lui proposer pour Spirou, j'y ai repensé et en l'adaptant, c'est devenu Dad, un père de famille seul avec ses 4 filles... un peu dépassé par la situation. Mais ce n'est pas vraiment moi. Dad me ressemble indirectement, car le point de départ de mes histoires est constitué de situations rencontrées au quotidien. Mais un décalage se crée en les adaptant au quotidien de Dad qu'il partage avec ses filles aux âges très différents, du bébé Bébérénice à Pandora qui a une vingtaine d'années... En même temps, pour les filles, il pourrait presque s'agir d'un seul personnage à 4 âges, le caractère d'un enfant pouvant évoluer beaucoup en fonction de son âge. Lors d'une séance de dédicaces, une lectrice m'a dit qu'elle se retrouvait un peu dans chacune des filles, alors qu'une maman m'a dit qu'elle se retrouvait bien dans Dad !

Vous vous attaquez à un genre déjà bien fourni...

J'en suis conscient, mais justement, cette drôle de famille me permet de développer des situations riches et variées. Le gag familial n'est pas quelque chose d'évident, et je ne veux pas retomber dans des schémas classiques ou déjà exploités. Un gag peut mettre en scène Dad et une seule de ses filles... Comme elles sont très différentes, ça permet d'exploiter une palette de sensibilités assez large dans une même série.

Est-ce dans la même optique que vous introduisez des flash-backs dès ce premier album ?

D'une manière générale, j'aime bien approfondir le caractère de mes personnages. Je pense que ça les rend plus crédibles, déjà pour moi... Et puis, explorer leur passé permet de comprendre leur présent. Ca offre une dimension supplémentaire à leur quotidien, et je ne pense pas que ce soit fort couru dans ce style de BD. Et puis, Dad a un passé, les filles ont des mamans, et on va les rencontrer progressivement, davantage dans le prochain album, qui s'intitulera Secrets de famille... Dans Filles à papa, on mesure le mimétisme entre Pandora et sa mère, mais ça ne sera peut-être pas le cas pour les autres.

L'humour occupe une grande place dans Dad, mais vous le nuancez de beaucoup de tendresse, parfois de mélancolie aussi, comme l'illustre précisément la toute dernière case de Filles à papa...

C'est lié à mon caractère. Dans Dad, les filles ne sont pas toujours tendres, et si la bienveillance domine, il peut aussi y avoir de la place pour la tristesse, pour la mélancolie. Comme dans la vie, en fait. La vie n'est pas monolithique. Le rire et la tristesse ne sont pas toujours très éloignés, et dans une BD, cette proximité permet de mieux faire ressentir le vécu des personnages au lecteur, de partager plus avec lui.

Dad est présent depuis un an dans Spirou. Avez-vous utilisé tout le matériel prépublié pour l'album ou avez-vous opéré une sélection parmi celui-ci ?

J'ai conservé ce qui a été publié pour Filles à Papa, et je ferai probablement de même pour Secrets de famille. Par contre, j'ai procédé au remontage de nombreuses séquences, car à la lecture, la perception que l'on a dans un album est très différente d'une planche publiée à un rythme hebdomadaire dans un magazine. J'écris et je dessine Dad en fonction du magazine, mais j'ai beaucoup réfléchi à cette dynamique au moment où il a été question d'un album. Le lecteur, dans un album, doit pouvoir s'attacher aux personnages et à leur univers sur la durée, sans s'ennuyer. L'enchaînement est différent, et offre une vision plus large et peut-être plus riche de la série et de sa mécanique. J'espère que les lecteurs qui auront découvert Dad dans Spirou apprécieront cette autre manière de l'aborder. Personnellement, j'ai (re)découvert des fils narratifs qui m'avaient échappé...

Disposez-vous d'un schéma global pour l'évolution de la série, d'une direction, ou travaillez-vous vraiment gag par gag ?

Consciemment, je n'ai pas de plan, pas de direction. Je choisis des idées à développer si je les trouve directement intéressantes ou alors j'attends pour le faire. Mais il y a une part d'inconscient dans l'écriture, et un côté vivant. Je pourrais comparer cela à une plante que je laisse pousser, que je retaille si nécessaire et que j'oriente au mieux. Je laisse donc pousser Dad en l'orientant du mieux que je peux, et je laisse à certaines histoires le temps de s'épanouir.

Vous avez été rédacteur en chef de Tchô !, on vous retrouve dans Spirou. Était-ce important pour vous de poursuivre dans la presse BD ?

Absolument, je suis très attaché au format magazine, je suis heureux d'être dans Spirou et je trouve très encourageant que de nombreux jeunes continuent à lire ce type de magazine. Il existe un décalage avec Tchô !, qui était davantage ciblé par rapport à une génération, alors que Spirou s'adresse à un vrai public familial, très large, et cette dimension se ressent dans ses pages. Mon départ de Tchô ! a été un peu compliqué, mais j'ai retrouvé une dynamique avec L'Atelier Mastodonte, et la nécessité d'être présent, chaque semaine, dans les pages de Spirou. Ca se poursuit avec Dad. Travailler pour un hebdomadaire représente une contrainte, mais une contrainte intéressante, une sorte d'obligation d'efficacité qui vous habitue à rester en éveil. Participer à un tel magazine a aussi l'avantage de vous donner accès à un retour immédiat des lecteurs au sujet de ce qui a été publié, et ça c'est très motivant.

Le tome 2 de Dad, Secrets de famille, est déjà programmé pour octobre...

Oui, et une partie des gags qui le composeront est déjà en cours de prépublication dans Spirou. Avec ce rythme hebdomadaire, la matière s'accumule assez vite sans que l'on s'en rende vraiment compte, et Dad est présent dans Spirou depuis plus d'un an déjà !

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Pierre Burssens
20/04/2015