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Entretien avec Emmanuel Herzet

« Il y aura dans mon travail
un avant et un après "Le Chant du cygne". »

Riche rentrée pour Emmanuel Herzet. Ce passionné d'Histoire fait son entrée dans la prestigieuse collection Signé avec Le Chant du cygne qu'il co-scénarise avec Xavier Dorison. Une « première » pour lui, tout comme le fait de voir cette histoire mise en image par Cédric Babouche dans un style semi-réaliste. On retrouve également au rayon nouveautés sa signature associée au très beau dessin d'Alessio Coppola pour le tome 2 de leur série Duelliste. Emmanuel Herzet a répondu à nos questions le jour même de la sortie officielle de Déjà morts demain, le tome 1 du Chant du cygne.

Déjà morts demain, le tome 1 du Chant du cygne sort aujourd'hui. Quel est votre sentiment par rapport à cela ?

Je suis très content, évidemment ! Les premiers retours quant à l'album sont positifs, mais comme pour chaque nouveau venu auquel j'ai travaillé, j'espère que le public lui réservera un bon accueil. Pour moi, ce qui est particulier, c'est de signer le scénario avec Xavier Dorison, et l’album est publié dans la collection Signé. C'est un grand honneur, je n'arrive pas à la cheville de certains des auteurs qui y figurent. Je ressens peut-être une certaine pression car je suis un éternel insatisfait, mais je ne peux franchement qu'être content. Et aujourd'hui, voilà, l'album appartient au public...

Comment s'est construit le projet, et comment s'est développée votre collaboration avec Xavier Dorison ?

Le point de départ remonte à 2010. Xavier disposait du pitch de l'histoire mais cherchait un collaborateur pour ce projet. Le Lombard a organisé notre première rencontre, on a beaucoup discuté et le courant est bien passé. J'admire beaucoup le travail de Xavier depuis toujours et j'avoue que j'étais dans mes petits souliers. Mais il m'a très rapidement mis à l'aise. On a écrit et réécrit le synopsis avant d’aboutir au découpage final. La proximité des commémorations approchant, nous voulions que Le Chant du cygne ne soit pas « un album de plus » sur le centenaire de la Première Guerre mondiale. Pour cela, il nous fallait trouver un dessinateur qui sorte des sentiers battus. On a cherché, puis Xavier, qui enseigne le scénario à l'école Emile Cohl de Lyon, a pensé à Cédric Babouche, qui y enseigne l'animation. Quand nous avons découvert ses premières aquarelles, nous sommes tombés sous le charme. Cédric était le dessinateur qu'il fallait pour ce projet ! Avec le recul, de manière plus générale, je mesure que je vis une très belle expérience avec Le Chant du cygne, une expérience complète à la fois professionnelle et humaine avec un sujet nouveau. Tout cela était très motivant, j'ai appris beaucoup de choses et je pense qu'il y aura dans mon travail un avant et un après ce projet.

C'est la première fois que l'on trouve votre nom sur la couverture d'un album au dessin semi-réaliste, cela a-t-il influencé votre approche du scénario ?

Nous désirions, Xavier et moi, raconter une histoire d'hommes, centrée sur des personnages qui en ont assez de subir l'enfer quotidien du champ de bataille et vont agir en conséquence. Nous voulions que tout le monde puisse s'identifier à eux, et que chacun s'interroge, peut-être, sur la manière dont il aurait réagi dans ces conditions. Et justement, Cédric apporte un contraste entre la dureté du propos et son graphisme. Un style réaliste aurait pu être efficace, or ici, à cette efficacité, son dessin ajoute une forme de lyrisme, si pas de poésie, qui participe à la fluidité de la lecture. Sa manière de travailler directement en couleurs, en modelant la scène, est vraiment impressionnante, et il a magnifiquement relevé le défi que nous lui proposions.

Vous êtes un passionné d' Histoire, cette période vous attirait-elle particulièrement dès le départ ?

La fin du XIXème et la première moitié du XXème siècles restent une de mes époques de prédilection, je dirais entre la guerre franco-prussienne et les années 50'-60'. Après les choses évoluent trop vite et il est difficile de fonctionner suivant des repères durables. 14-18, on en a tous entendu parler via des souvenirs de nos grands-parents ou arrière-grands-parents. Au-delà de l'aspect militaire, ce qui m'intéresse dans cette période, c'est « l'après », les conséquences directes. Mais les mutineries, avec ces gens qui agissent pour faire changer les choses, oui, ça m'attirait. Il s'agit d'un thème universel, on a tous rêvé d’envoyer promener ceux qui nous dirigent à tous niveaux : patrons, politiciens… et c'était un ingrédient pour écrire une bonne histoire. Comme à chaque fois, je me suis documenté, j'ai lu beaucoup, notamment les ouvrages d'André Loez qui est le spécialiste sur les mutineries en France. Nous avons eu la chance, avec Xavier, de le rencontrer et il a très aimablement répondu à toutes nos questions.

L'histoire du Chant du cygne se contruit autour d'une pétition signée par 3000 soldats qui dénoncent les agissements d'un général. De telles pétitions ont-elles existé ?

On a relevé de nombreuses manifestations de cette grogne, des soldats qui refusaient de monter au front, différents types d'agitations, mais une seule pétition connue, adressée par un régiment d'artillerie à ses officiers, et pas à l'assemblée nationale. Les « mutins » risquaient gros, ainsi, lors de manifestations, ils cachaient généralement leurs grades et insignes pour que leur unité ne puisse être identifiées, et ils n’hésitaient pas à se noircir le visage, par exemple...

Autre actualité de rentrée pour vous, De verre et d'acier, le deuxième tome de Duelliste....

Et là aussi, beaucoup de bonheur ! Alessio Coppola est un dessinateur hors du commun, et notre collaboration fonctionne à merveille. Voir arriver ses planches découpées est à chaque fois un grand plaisir. J'ai parfois l'impression que son dessin monte en puissance de planche en planche, de case en case. Alessio est très à l'écoute de mes éventuelles suggestions, et lui non plus n'est jamais totalement satisfait de son travail. Peut-être est-ce ce dernier point qui explique la richesse de notre collaboration... Dans ce deuxième album, le complot entre dans une autre dimension, tous les partis intéressés sont enfin en piste, l'histoire s'enrichit et de nouveaux personnages font leur appartition et la bombe « alchimique » se déclenche menaçant de vitrifier Paris... Alessio travaille déjà sur le tome 3, la machine Duelliste est en route...

Un nombre d'albums précis est-il défini ou peut-on espérer une série au long cours ?

L'idée générale est de présenter une série de capes et d'épées classique en y injectant une dose de fantastique. L'histoire actuelle constituera un cycle de 4 tomes, nous avons des idées pour démarrer sur un deuxième cycle, mais comme toujours on verra comment Duelliste se sera installé sur le marché...

Vous n'êtes jamais à court de projets, avez-vous quelque chose à nous dévoiler ?

Oui, mais ce sera pour février 2015, sur un scénario écrit en collaboration avec Henscher (Le Banni). La série s'appellera Les Prométhéens et sa partie graphique est confiée à Rafaël Sandoval, un formidable dessinateur de comics rencontré grâce à Antoine Maurel, éditeur au Lombard. Sans en dire trop, l'idée de base est que les dieux de l'Olympe sont menacés par un mystérieux tueur, et pour lui échapper, ils se sont fondus dans l'humanité, mais dans des rôles en rapport avec leurs caractères divins. Ainsi, par exemple, Zeus est devenu un magnat de l'électricité. On espère pouvoir publier deux albums des Prométhéens par an, avec des « saisons » de 4 albums, ce qui nous amènerait à un premier cycle complet fin 2016. Nous sommes en train de travailler à la deuxième saison avec Henscher et on y croit beaucoup. On dispose d’un casting de rêve, des dieux aux allures de super-héros, un tueur suffisamment puissant pour les poursuivre, on a aussi réalisé, en révisant la mythologie grecque, que l'Olympe constitue un véritable modèle de famille dysfonctionnelle, de nouveau un thème universel... On a la rencontre du meilleur des deux mondes : du comics au format franco-belge !

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Pierre Burssens
17/09/2014