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Entretien avec Valérie Mangin

« Les aventures de Lorrain et Lionel n’ont pas vieilli depuis 1957. »

Alors que la science-fiction semblait être un genre quasi exclusivement anglo-saxon, Stefan Wul – Pierre Pairault de son vrai nom  signait dans les années 50' une douzaine de romans devenus aujourd’hui des classiques. La collection thématique Les univers de Stefan Wul (Ankama) en propose des adaptations en BD sous forme de one-shots, diptyques ou triptyques. Les premiers volets de Rayons pour Sidar et Le Temple du passé sont tout récemment parus.

Valérie Mangin signe le scénario de Rayons pour Sidar, somptueusement mis en images par Emmanuel Civiello. La scénariste aborde un style de SF fort différent de ce à quoi elle nous avait habitué. Elle nous entraîne dans son univers de Stefan Wul en répondant à nos questions. Notons que l'édition synchrone de l'intégrale de l'oeuvre de Stefan Wul chez Bragelonne et de cette collection thématique chez Ankama vient de se voir décerner un Prix spécial au Grand Prix de l'imaginaire 2014.

Comment avez-vous été amenée à participer aux Univers de Stefan Wul ?

Très simplement. J’ai croisé Olivier Vatine pendant le festival d’Angoulême 2011. Il m’a parlé avec beaucoup de passion de son projet d’adaptation des romans de Stefan Wul et ça m’a tout de suite donné envie d’en être.  

Connaissiez-vous son oeuvre ? Et en particulier Rayons pour Sidar ? Pourquoi ce roman ?

 Oui, j’ai lu plusieurs des romans de Wul pendant mon adolescence : Niourk évidemment, Oms en série et Noô. Mais ils avaient tous les trois déjà été choisis par différents auteurs. J’ai donc lu les autres œuvres de Wul encore libres. Rayons pour Sidar m’a plu tout particulièrement à la fois parce que les aventures de Lorrain et Lionel, ses héros, sont très réjouissantes et parce que la nature foisonnante de la planète me semblait très bien se prêter à une adaptation en bande dessinée.

Il s'agit d'un style de SF très différent de celui dont vous êtes familière, et même en contraste total, par exemple, avec Expérience mort, récemment publié chez le même éditeur...

Effectivement, la jungle sidarienne est très éloignée de l’au-delà dans lequel navigue l’Horus-Râ ! Pourtant, ce sont deux récits d’exploration et surtout deux histoires humaines. Confrontés à l’inconnu et à un danger mortel, leurs héros vont révéler leurs vraies personnalités, leurs angoisses, leurs espoirs, leurs rêves… Ils devront mettre leur vie en jeu et faire des choix qui la changeront à jamais.

Peut-on parler pour vous d'une première véritable adaptation d'oeuvre littéraire en BD ? Comment avez-vous abordé cet aspect ?

En fait, Le dernier Troyen, Chronique de l’Antiquité galactique réalisée avec Thierry Démarez, est une adaptation de L'Énéide du poète latin Virgile et de L’Odyssée d’Homère mais j’ai pris de grandes libertés avec les œuvres d’origine. Pour Sidar, j’ai fait le choix inverse. J’ai décidé, dès le départ, d’être le plus proche possible du roman d’origine, de garder ses aspects vintages et, si j’ose dire, typiquement « wuliens ».

Disposiez-vous d'un cahier des charges précis ou vous a-t-on laissé carte blanche ?

Non, on nous a laissé très libres. Nous avons pu faire exactement ce que nous voulions.

Denis Lapière nous avait confié que La Peur géante avait nécessité un important "dépoussiérage", était-ce le cas pour Rayons pour Sidar ? Quels sont les éléments de l'intrigue que vous vouliez absolument conserver et mettre en avant dans cette adaptation ?

En fait, les aventures de Lorrain et Lionel n’ont pas vieilli depuis 1957, date de la première édition du roman. Elles sont toujours aussi amusantes et exotiques. Je les ai donc globalement conservées. Les Sidariens, les Xressiens, les monstres tentaculaires et les paysages fantastiques sont tous déjà présents dans le roman de Wul. J’ai aussi conservé intact son personnage de Lorrain et sa façon un peu condescendante de voir Sidar. Mais, j’ai voulu apporter aussi une touche personnelle qui sera visible surtout dans le tome 2. J’y ai renforcé le rôle de Lionel, le robot du héros et je lui ai attribué mes propres idées sur la colonisation. Cela me permet de montrer que les thématiques abordées par Wul sont toujours actuelles et que les problèmes de 1957 ne sont pas encore tous résolus.

Ce tome 1 débute à la manière d'un buddy-movie, les différences entre Lorrain et Xaog induisent un côté humoristique...

Oui, tout à fait. Lorrain, le héros, est un Terrien sûr de lui et de sa civilisation. Il profite sans état d’âme de la gentillesse de Xaog. Pourtant, sans son guide, il serait bien incapable de survivre sur la planète. Le Sidarien le sait bien. Naïf et joyeux, il sauve plusieurs fois la vie de son « patron » et le manipule parfois pour son bien.Tous les deux forment un couple colonisateur/colonisé assez classique dans la littérature des années 50'. Lionel, le robot de Lorrain, aura un autre rapport, plus égalitaire et respectueux avec les Sidariens. Mais ça restera tout aussi réjouissant, j’espère.

Le dessin d'Emmanuel Civiello conserve la part de merveilleux que l'on trouvait dans ses albums orientés fantasy. Était-ce pour vous le dessinateur qui s'imposait pour ce diptyque et et désiriez-vous, justement, la présence de cette dimension particulière ?

Dans le roman de Wul, Sidar est décrit comme un monde luxuriant à la végétation foisonnante et peuplée de créatures délirantes. Il fallait absolument que les visuels de la bande dessinée soient à la hauteur. Avec du recul, je me dis aussi que Manu était le dessinateur idéal pour cela. Mais je dois avouer que je n’ai pas pensé immédiatement à lui. Son nom est venu dans une conversation entre Olivier Vatine, ses complices de Comix Buro, Olivier Sztejnfater et Elsa Sztulcman, Denis Bajram et moi. C’est d’ailleurs Denis qui l’a prononcé en premier. Après, tout le monde a trouvé l’idée excellente. Il fallait encore que Manu soit d’accord. Heureusement pour Sidar et moi, il l’était. Et je dois dire que ses pages sont encore plus rayonnantes et baroques que je ne l’espérais.

On a l'impression que vous vous êtes amusée avec cette adaptation, cette première pourrait-elle en appeler d'autres ?

Pourquoi pas ! Mais il faut que je trouve un autre roman qui me plaise et m’inspire autant que Sidar

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Pierre Burssens
10/06/2014