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Des livres au pied du sapin... (2)

Beaux livres autour du 9e Art, intégrales, nouveau regard sur des classiques... Les éditeurs ne manquent pas d'idées en fin d'année, période des fêtes, pour combler les amateurs de BD ou, budget oblige, leur imposer des dilemmes cornéliens. Coup d'oeil sur une (toute) petite sélection à découvrir chez votre libraire favori !

En 2006 paraissait Entracte, une biographie en images dans laquelle le public découvrait, en même temps que les coulisses de ses bandes dessinées (Les 7 Vies de l’épervierLe Cahier bleuBlake et Mortimer) une autre facette du talent d'André Juillard : des dessins, croquis et esquisses que l’auteur, jour après jour, réalise pour son plaisir dans l'intimité de son atelier. Depuis, le nombre de ces créations libres s'est littéralement envolé, et c'est à ces Carnets secrets 2004-2020 que les éditions Daniel Maghen consacrent un somptueux ouvrage de plus de 400 pages. Chacun de ses chapitres correspond au support choisi par le dessinateur, et si on y retrouve les héroïnes des séries dessinées par André Juillard, on découvre de nombreux nus, paysages, études de personnages, hommages à des artistes qui ont inspiré l'auteur... Cet imposant volume nous dévoile le contenu totalement inédit de 17 carnets, dont les dessins ont été réalisés selon différentes techniques. Le lieu et la date de l'achat de chaque carnet est mentionné et à la séduction graphique s'ajoutent quelques brèves annotations de l'artiste. Presque deux siècles après la naissance de la photographie, plus d'un siècle après la naissance de l'art abstrait, qu'est-ce qui peut encore pousser un dessinateur à figurer de manière relativement objective ce qu'il a devant les yeux ? La réponse, la mienne, est qu'il éprouve le besoin irrésistible de témoigner de la séduction de ce qu'il voit... (A. Juillard)  Ce très bel ouvrage, qui inaugure une nouvelle collection consacrée aux cahiers, carnets et journaux réalisés par les grands auteurs de BD en constitue une éclatante démonstration !

Du trait noir à la couleur directe, voilà l' une des caractéristiques du parcours artistique de Jean-François Charles auquel les éditions Casterman consacrent un très bel artbook enrichi des textes de Charles-Louis Detournay. Le journaliste nous permet ainsi de découvrir le peintre parallèlement au dessinateur à travers de très nombreuses oeuvres, souvent inédites, réalisées à l'aquarelle, à l'acrylique ou encore au pastel à l'huile. Comme dans ses BDs, souvent nées de voyages, Jean-François Charles nous fait partager ses chemins, de la Côte d'Opale à la Chine, de l'Auvergne au Middle West américain...en passant par les environs de son domicile. Comme l'explique l'artiste : Quand je fais de la bande dessinée, je travaille pour l'imprimerie, ce qui génère encore quelques contraintes... Par contre, lorsque je peins, je travaille pour l'oeuvre, en tâchant de ne me sentir arrêté par aucune limite, dêtre libre d'utiliser toutes les matières et les techniques... Les textes nous éclairent sur les oeuvres, sur l'homme et sa sensibilité et on y retrouve pleinement une personnalité aussi attachante qu'exigeante dans son travail. A noter aussi que ce bel ouvrage, présenté sous jaquette, comprend une nouvelle inédite de Charles-Louis Detournay reliant une série d'images de Jean-François Charles mettant en scène un Don Quichotte contemporain. 

La carrière de Willy Lambil est un cas d'école : il entre au bureau de dessin des éditions Dupuis en 1952. Il a à peine 16 ans et la passion de la bande dessinée. Son premier travail : remplacer le lettrage français de Stanley (Hubinon/Charlier) par sa version flamande. Entré par la toute petite porte, il fera preuve d'une persévérance à toute épreuve ; au point que, 20 ans plus tard, à la disparition de Louis Salvérius, il reprend Les Tuniques Bleues en réalisant les huit dernières planches d'Outlaw . Avec ces personnages - et Raoul Cauvin au scénario -, il connaîtra un succès phénoménal. À 80 ans passés Willy Lambil reste un modèle de stabilité et de fidélité et un travailleur acharné qui livre chaque année avec la même exigence un album des Tuniques Bleues. Réduire le dessinateur à la caricature du Pauvre Lampil serait trompeur et ô combien réducteur. Pendant près de trois ans, Christelle  et  Bertrand Pissavy-Yvernault sont allés à sa rencontre lors de nombreux entretiens. Le dessinateur y a évoqué ses souvenirs, heureux et douloureux, et de multiples anecdotes. Dans la biographie publiée chez Dupuis, Lambil - une vie avec les Tuniques bleues, Willy Lambil se livre avec toute sa sensibilité et une sincérité absolue, touchante. Son témoignage est précieux : il est celui d'un homme qui a réalisé ses rêves, connu un succès remarquable, et qui, pourtant, continue d'attendre quelque chose...

L’urbatecte Eugen Robick est insatisfait. La Commission des Hautes Instances, qui gouverne Urbicande, refuse l’aménagement d’un pont qui, selon Robick, rétablirait un équilibre urbain menacé. C’est dans ce contexte qu’un étrange objet fait son apparition sur le bureau de Robick : une structure cubique évidée d’origine inconnue, faite d’un métal indestructible, qui commence à lentement croître… 
Prix du Meilleur Album à Angoulême en 1985, le deuxième volume des Cités obscures, la saga au long cours de Schuiten et Peeters paraît pour la première fois en couleurs. En effet, La Fièvre d’Urbicande était au départ conçu pour la couleur. Des essais avaient d'ailleurs été effectués par Françoise Procureur, compagne d'Alain Goffin. Or, à l'époque, chez Casterman, ceci n'était envisageable que pour les albums au format et à la pagination classiques, soit 48 pages. La Fièvre d’Urbicande échappant à ces critères, le récit fut finalement publié en noir et blanc et rejoignit la collection des romans (A Suivre).  Les auteurs ayant conservé, au fil des ans, une certaine nostalgie de ce projet en couleur, ils ont finalement proposé à Jack Durieux, graphiste passionné d'architecture et grand conaisseur de l'Art déco de mettre sa palette au service d'Urbicande. Les amoureux de cet univers bien particulier peuvent dorénavant découvrir cet album, devenu un classique, enfin colorisé...

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Pierre Burssens
03/12/2020 - source : auracan.com