Concurrence accrue des Galeries BD à Paris
Les originaux de bande dessinée constituent ces dernières années un marché dynamique qui attire de plus en plus d'intervenants. Concurrence oblige, les anciens font des efforts de rénovation, d'autres agrandissent leurs locaux en déménageant, quand d'autres préfèrent des installations provisoires. Après Bruxelles, les deux concurrents belges s'affrontent aussi sur la place de Paris. Et un éditeur se lance aussi dans cette diversification verticale. Enquête exclusive.
 Foule lors de l'inauguration de la Galerie Glénat © Manuel Picaud / 2013 |
Le marché de la bande dessinée connaît une importante restructuration depuis quelques années. Concentration des acteurs : même si des nouveaux éditeurs apparaissent et si les auteurs cherchent des voies alternatives notamment en crowfuding, on voit plutôt Dupuis, Glénat et Delcourt racheter les indépendants comme respectivement Niffle ou Marsu Productions, 12 bis et Soleil. Évolution vers le numérique : même si le marché est encore balbutiant, la technique progresse et les planches originales vont décliner. Du coup, les spécialistes s'attendent à la hausse des prix des originaux d'autant que la BD est de mieux en mieux considérée et entre plus souvent dans toutes sortes de musées, comme encore dernièrement au Musée de l'immigration à Paris.
 Bernard Mahé dans sa Galerie 9e art © Manuel Picaud |
En 2013, la Galerie 9e art a agrandi son espace en s'étendant sur le sous-sol accessible par un joli escalier en spirale. L'ensemble moderne et chaud est des plus lumineux. Il ne manque plus qu'une enseigne digne de ce nom. Quelques années après les deux boutiques Petits Papiers de l'autre côté des Halles et non loin de la Galerie Jean-Marc Thévenet, qui s'éloigne de la BD, la Galerie Champaka s'est installée au 67, rue Quincampoix dans le quartier de Beaubourg également sur deux étages, malheureusement avec très peu de lumière naturelle. L'espace vaste permet néanmoins de mettre en valeur des pièces de toutes tailles.
 Exposition Daria Schmitt à la Galerie 9e art © Manuel Picaud / 2013 |
 Affiche en vitrine à la Galerie Napoléon |
En septembre, la Galerie Napoléon a déménagé au 7, rue de Lesdiguières Paris IV et occupe désormais des locaux spacieux dans cette petite rue près de Bastille. Le gérant Guillaume Lafon s'est associé à Ludovic, lui-même collectionneur de bande dessinée depuis de longues années. En plus des expositions-ventes, ils réalisent aussi du négoce d'originaux en toute discrétion et le gérant se diversifie dans l'édition de livres d'art dans une société luxembourgeoise Comics Empire.
 Façade Galerie Glénat |
Au début de l'été, Jacques Glénat a créé sa propre galerie dans l'arrondissement voisin, derrière la mairie du IIIe arrondissement face au Carreau du Temple, en cours de réhabilitation. Sa grands boutique luxueuse avec un sous-sol aménagé comprend de nombreuses pièces permettant des ambiances différentes. Il y a même un espace cuisine et réception pour réaliser de somptueux dîners après les vernissages. la Galerie Glénat se trouve au 7, rue Picardie. Si l'ambition est de démontrer qu'un original de BD est une pièce d'art contemporain, l'avantage de Glénat est de négocier les planches dès la signature des contrats avec les auteurs qui sont assurés d'un prix minimum.
Une autre éditrice Maria Smirnoff officiant chez Delcourt a lancé une galerie en ligne, la Galerie Bd Artwork, dont le siège est dans le quartier Saint-Germain et qui réalisera des expositions virtuelles ou dans des lieux insolites, à la manière de Julien Brugeas, ancien collaborateur de Bernard Mahé à la Galerie 9e art.
 Albert Uderzo et Philippe Cauvin |
L'un des derniers arrivés, Pierre-Marie Jamet, a repris l'ensemble des parts de sa Galerie Oblique qui accueille prochainement une exposition de Leo, dont le site est en reconstruction et dont le galeriste participe aussi à l'organisation du Salon des ouvrages de BD (SoBD) et monte des expositions prestigieuses à travers la France. Face à ces nouveautés, on attend encore les réactions d'Arludik, au croisement de plusieurs arts, de Daniel Maghen dont la boutique paraît vraiment trop étroite mais qui conserve le plus gros portefeuille de planches et enfin de la Galerie Martel qui jouit d'un répertoire prestigieux.
 Rideau baissé pour la Galerie des arts graphiques |
À l'inverse, plusieurs galeries ont fermé leurs portes à Paris comme l'ancienne galerie de Frédéric Bosser devenue Galerie des Arts Graphiques qui n'a pas su évoluer. Idem pour la bijouterie de la BD, la Galerie Slomka dont le fondateur a préféré investir à Bruxelles, abandonné la rue Dante et liquidé la société française (radiation en novembre 2012). On oublie vite LA Gallery dont la fermeture et les dirigeants ont défrayé la chronique en septembre 2011 avant que la société dirigée par Laurent Imbert soit liquidée en début 2012.
.jpg "Entrée luxueuse de l'ancienne Galerie Slomka à Paris © Manuel Picaud / 2012") Entrée luxueuse de l'ancienne Galerie Slomka à Paris |
Certains voyaient déjà une nouvelle victime de cette guerre économique en Barbier & Mathon, qui a simplement radié en septembre 2013 son ancienne société BD Artist(e) sise 55 rue Condorcet. La galerie avait anticipé le mouvement de nouveautés et trouvé de nouveaux locaux plus appropriés au 10 rue Choron toujours dans le neuvième arrondissement. Choqués par cette rumeur, ses dirigeants se veulent au contraire très rassurants et citent notamment de nombreux projets comme l'exposition Pico Bogue d'Alexis Dormal en décembre, Tezuka en fin janvier ou Blutch en mars mais aussi une prochaine exposition géante en Bretagne avec Michel-Edouard Leclerc pour l'anniversaire de Métal Hurlant. En fait, d'autres rumeurs de même style plus ou moins bien intentionnées, circulent, preuve d'une certaine nervosité des acteurs.
 Exposition Daria Schmitt à la Galerie 9e art © Manuel Picaud / 2013 |
 Pierre-Marie Jamet / Galerie Oblique |
Cette grande variété d'intervenants cache des approches finalement assez différentes et des positionnements divergents. Mais l'attrait des originaux, refuge de placements, dépend aussi de la conjoncture économique. Certes, l'oeuvre d'art n'entre pas dans la patrimoine soumis à l'impôt sur la fortune, mais toute planche ne décorera pas tout intérieur et n'atteindra pas des sommets. La croissance de l'offre permet une plus grande sélectivité des collectionneurs d'autant que le marché secondaire est lui aussi très actif. Quand on voit la hausse des prix des planches proposés à la vente, on ne peut que s'inquiéter d'une bulle spéculative qui, par définition, risque d'éclater et faire des victimes... Mais pour le moment, les galeristes affichent le sourire...
